Le 25 Juin 1917

Mon petit chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 22. Je te pardonne, grand taquin et je t’envoie comme pénitence une caisse de cerises. Es-tu satisfait ?

Hier, nous n’avons pas fait de bicyclette Marie-Louise et moi. Je l’attendais à 11 heures, elle est arrivée à midi moins ¼ et sans sa bécane. Mademoiselle avait la flemme. Elle répète en ce moment un ballet russe, aussi elle a fort mal aux jambes. Je lui ai dit : “C’est bien ça, tu as la flemme de venir.” Elle n’a plus que trois représentations. Une matinée Mercredi, une soirée Jeudi et Samedi, et après clôture pour toute la saison.

Elle était très gaie hier. Espierre vient pour 24 heures Jeudi, aussi je ne sais si c’est pour ça, mais elle s’est payé ta tête numéro un. Nous sommes presque fâchées à cause de ça ! Moi surtout. Tu ne sais pas comment elle t’appelle ? Le Curé ! C’est charmant, ayez donc des amies !

Cela se passait dans l’avenue des Champs Elysées. Nous voulions aller au bois, mais il y avait tellement de monde dans le métro, que nous sommes descendues à la Concorde. Eh bien, cette chère amie, depuis la Concorde en passant par l’Etoile jusqu’à l’Opéra n’a fait que de se moquer de nous. Je crois qu’elle le fait exprès de me faire monter. Je ne me suis tenue qu’à un fil pour lui répondre ce que je pensais. Enfin, j’ai écouté. Je bouillais dans le fond, mais je n’ai rien dit. Quelle sale gosse !

Elle m’a demandé si tu pensais te mettre curé après la guerre. Tu penses si cela me mettait en rage. Moi, elle m’appelle “Bonne-soeur”. Enfin, beaucoup de gentils petits noms dans ce genre-là. Aussi, lorsque je l’ai quitté, je me suis bien vengée. Au lieu de l’embrasser, je lui ai craché sur la joue !!!!!!

Tu parles si elle était furieuse. Mon pauvre Coco, on t’arrange bien, heureusement que je sais à quoi m’en tenir…!!!! Cette sale gosse, il faut que j’aille lui tenir compagnie Jeudi en attendant Espierre. Elle peut se plaindre en ce moment ! Elle le voit plus souvent que je te vois. Il revient pour le 14 Juillet 8 jours. Qu’est-ce qu’il lui faut de plus ? Il me semble qu’à mon tour, je pourrais ronchonner. Ça me fait penser, pour quand ta permission de huit jours ? Je compte pour le mois d’Aout.

Là dessus, je te quitte mon Lou pour me mettre à ma lingerie.

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon mignon de bien doux baisers de celle qui t’aime follement,

Mino