Asphyxie au gaz

Le 6 Mai 1917

Mon Lou Aimé,

J’ai reçu hier soir ta gentille lettre du 3 qui m’a rendu bien inquiète en pensant au danger que tu avais couru. La perspective de te voir changé en rôti bien cuit comme tu dis si aisément m’a vraiment affolé. Mon pauvre Lou, j’en suis encore toute bouleversée.

J’espère que cet accident ne se renouvellera plus. Comme tu ne peux travailler, vu l’état de ton appareil, on devrait t’accorder ta permission qui est restée en suspend, de cette manière, il n’y aurait pas de temps perdu. N’ai-je pas raison mon chéri ? Comme cela je pourrais mieux t’expliquer ce qui clochait dans ma bécane. Je ne me rends pas très bien compte moi-même de ce qu’il y avait. Enfin, ça ne fait rien, elle marche tout de même. Autant faire, je préfèrerais que tu viennes, mais pas exprès pour la bicyclette !

Aujourd’hui Dimanche, je reste à la maison ou plutôt j’irai vers le soir voir Germaine. Ça fait un siècle, cette pauvre fille que je la délaisse pour Marie-Louise.

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Aujourd’hui, cette dernière devait aller au Vésinet voir son frère qui est à l’hôpital. Il se fait soigner pour un commencement d’asphyxie occasionnée par les gaz.

blessures

Ce pauvre garçon n’a vraiment pas de chance. Il sort à peine d’un hôpital pour retourner dans un autre. J’aurais bien été avec elle, cela m’aurait fait une sortie, mais il fallait partir à 11h½ vu qu’il y a un train à 12h qui arrive avant l’ouverture des visites qui est à 13h. Mais cela n’aurait pas plu à mon père qui trouve déjà que je m’amuse de trop en ce moment !!! Pourtant, Dieu sait !!!

D’un autre côté, ça ne me gène pas de ne pas sortir aujourd’hui. Toute la semaine je n’ai pas arrêté une minute à droite ou à gauche, aussi, j’étais très fatiguée, ce qui fait que je me repose aujourd’hui. Je pourrai en faire autant toute la semaine qui vient, je n’ai plus à sortir.

Hier soir, j’ai aperçu ton père qui passait dans une très chic auto rouge très longue avec un jeune homme au volant. Il me semble avoir reconnu le fameux jeune homme si chic, derrière, il y avait deux anglais.

En premier, je n’avais pas fait très attention, j’étais en train de lire mon journal à la fenêtre, lorsque tout à coup, en levant les yeux, j’aperçois quelqu’un qui me dit bonjour de la main. J’ai reconnu ton père et tout de suite, mes yeux sont tombés sur les anglais. J’ai eu une émotion, il faisait presque nuit, je croyais que c’était toi en kaki, mais c’est bien là ma veine, ce n’était qu’une ressemblance de costume. Pas de chance pour nous ! Aussi j’ai été me coucher toute boudeuse. Mhmmm !

A part ça, rien à te dire si ce n’est que je meure toujours d’envie de te voir.

En espérant que ta santé est toujours bonne, je t’envoie mon amour les plus doux baisers de celle qui t’adore,

Mino

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