Le 13 Avril 1917

Petit chéri,

Pas de nouvelle de toi aujourd’hui. Je pense que tu as dû quitter Châlons. Je serai sans nouvelle, mais je ne m’inquièterai pas.

Cette nuit, j’ai fait un rêve épatant. Il est si joli que je ne te le raconte pas ! Toujours est-il que nous étions à Cayeux, en plein hiver. Tu vois ça d’ici ! Ça ne nous empêchait pas de nous faire remarquer dans les rues !!!……

Je viens de faire une drôle de cuisine. J’ai mélangé de l’encre noire avec de la violette. Voici le résultat. Il est plutôt moche. On dirait que j’écris avec de l’eau sucrée.

Ce matin, j’ai sorti ma bicyclette et je lui ai fait sa toilette. Nous devons sortir aussitôt qu’il fera beau, malheureusement le temps n’est guère favorable et je crois que nous avons le temps d’attendre… L’année dernière, à cette époque, nous étions déjà sorti plusieurs fois.

Quelle sale encre ! Par moment elle est noire et par d’autres elle est violette. Je peux dire “panachée vanillée”.

Tantôt je vais chez Loulou, sans quoi j’aurais été avec Marie-Louise. Comme c’est Vendredi 13, elle m’avait demandé d’aller avec elle où tu penses. Dans le fond, je ne suis pas fâchée, car j’avoue franchement que je n’y comprends plus rien. Un jour c’est blanc, le lendemain, c’est noir. Le mieux de tout, c’est de ne rien croire.

J’espère que tu es toujours en bonne santé et j’espère toujours te voir bientôt. Tu vois, je ne me décourage pas.

En attendant de tes nouvelles, je t’envoie mon mignon chéri une foule de baisers de ta

Mino

PS : Je suis honteuse d’une pareille lettre ! Aussi je vais jeter toute mon encre.