Repentante et à deux genoux

Le 5 Avril 1917

Mon petit chéri,

J’ai reçu de tes nouvelles ! Je revenais de la poste hier, il y avait juste une lettre qui m’attendait. J’ai bien regretté de ne pas l’avoir eu plus tôt, tu n’aurais pas reçu ma vilaine lettre cafardeuse d’hier. Enfin, tu m’excuseras en pensant combien j’ai dû être inquiète en restant plusieurs jours sans nouvelles. C’était la fameuse lettre du 30 que tu m’avais promise dans ta carte de la même date. Elle peut se vanter de s’être fait désirer ! Enfin, elle en a été accueillie qu’avec plus de joie. Surtout en apprenant que le petit acompte de permission ne comptait pas. Ça, ça plait énormément, et je ne regrette pas les cinq jours perdus. Aujourd’hui, autant j’avais le cafard hier, autant je suis gaie. Pourvu que ça dure.

Hier, j’étais dans un état d’énervement tel, que si je n’avais pas eu de tes nouvelles, j’en serais tombée malade. Mademoiselle-la-pas-nerveuse !!! J’en ai poussé des Mhmmm et des Ahaaaa !!! C’était à faire crouler une maison ! Tu vois ça d’ici. Enfin, j’espère que maintenant je ne resterai plus si longtemps sans nouvelles.

Je savais que tu n’avais pas été chez Blaché. Ta mère me l’avait dit. Elle m’a même dit ce que tu avais fait à la place. Aller à la gare de Lyon te faire rembourser ton billet. Tu vois si je suis au courant de ce que tu fais. Pauvre chéri, voilà que je te fais encore enrager. On voit tout de suite que je suis plus gaie.

Heureusement que c’est pour m’amuser. Ça ne fait rien, tu sais, j’ai des remords, des gros remords de t’avoir traité de “tête à claques”. J’ai été un peu fort ou si tu aimes mieux, j’ai poussé la plaisanterie un peu loin, aussi j’ai peur de t’avoir un tout petit peu fâché. Aussi c’est repentante et à deux genoux que je viens te supplier de me pardonner. Je ne recommencerai plus jamais, c’est bien promis, ou pour t’appeler “tête-à-baisers”. Dis-moi que tu pardonnes à ta grande gosse ? Dis mon Lou ?

J’attends sa majesté Mlle Marie-Louise pour sortir, nous devons aller chez ton photographe faire faire une photo-glace avec le portrait de son très cher Comte. Ensuite, nous devons aller chez un second photographe. Celui des photos animées. Celle de Marie-Louise a été ratée, aussi il faut recommencer. De là, nous irons aux Galeries Lafarfouillette, chercher la plaque à mon Loulou. Es-tu content de connaître tous ces détails ?

J’espère que ta santé est toujours bonne. Moi, j’ai un petit rhume qui se pose un peu là. Pas de chance pour moi.

En attendant de tes nouvelles, reçois mon petit Lou aimé les plus doux baisers de ta petite,

Mino

 

 

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