Une manche pour chaque bras

Le 22 Mars 1917

Mon petit Lou chéri,

Je ne t’ai pas écrit hier, parce que j’étais sous l’empire d’une crise de nerfs. En voici le motif. Je me suis lancée à me faire une robe moi-même. C’était la première, aussi j’ai fait deux manches pour le même bras. Et je me suis aperçue de ça lorsque tout était fini, au moment de monter les manches. Aussi, j’étais tellement en colère que je me suis mise à pleurer jusqu’au soir. J’aurai voulu que tu voies dans l’état où je me suis mise.

Pour une crise de nerfs, c’en était une folle. Aujourd’hui, c’est calmé. Le malheur est réparé. J’ai une manche pour chaque bras à présent. Ça va tout à fait bien depuis que j’ai reçu ta lettre du 20. Ta ligne de points d’interrogation me met sur des charbons ardents. Qu’est-ce que cela veut dire ? J’ai peur de mal comprendre et d’être déçue après. Si je comprends bien, il est question d’une entrevue pour bientôt. Est-ce ça ? Je n’ose y penser. Si après ce n’était pas ça, cela me fait vivre dans l’espérance !!!

Je suis désolée de ce qu’il t’est arrivé. Pauvre chéri qui s’est blessé ! J’en suis toute retournée, je voudrais bien pouvoir apprécier moi-même cet accident. J’aurais préféré que tu déchires une vingtaine de mes lettres et qu’il t’arrive rien. Elles sont si jolies mes lettres que cela a peu d’importance qu’elles soient détruites. Je t’écris toujours en courant, aussi c’est plus souvent un brouillon qu’une lettre. C’est donc bien à tort que tu te traites de “bête” (ce que je n’admets pas) et que tu te donnes des coups. Comme tu vois, tu es tout pardonné.

J’espère que ma lettre te trouvera en voie de bonne guérison.

Dans cet espoir, je t’envoie mon Aimé mes plus doux baisers.

Celle qui est folle de toi,

Mino

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