Photo à expressions

Le 17 Mars 1917

Mon petit Lou Aimé,

Tu trouveras dans cette lettre une petite surprise qui t’amusera certainement. Moi je trouve ces photos à expressions roulantes. La mienne n’est pas trop mal, je te recommande pour mieux distinguer de la regarder plutôt de loin. Ça fait mieux. L’expression où les yeux regardent dans l’objectif est moi tout à fait. Je fais la moue comme si je disais : « Mhmmm. » Tu ne trouves pas, petit chéri ? Il y a trois expressions.

image expression - copie

Voilà trois fois que je me remets à ta lettre, pourtant elle contient peu de lignes ! C’est l’heure de déjeuner, aussi c’est pas commode pour moi. Enfin, j’ai fini, j’ai mangé en dix minutes, c’est pas long !

Aujourd’hui, c’est le jour des émotions !!! Premièrement, réveil en fanfare à 4h¼, sonneries de clairon, sirène, ténor, sonneries de pompiers, tout cela mélangé, tu vois d’ici ce raffut, tout cela pour annoncer les zeppelins. Tu as du savoir la nouvelle par les journaux.

Pt journal 18-03-17

Enfin à 6h moins 20, fin de l’alerte. Je me suis recouchée car j’étais gelée. J’ai passé ce temps de 4h¼ à 6h moins 20 à regarder les coucous, il y en avait !

Après, ayant trop froid, je me suis plongée dans la lecture. Ensuite, comme je disais, je me suis recouchée et j’ai sommeillé jusqu’à 8 heures sans arriver à me réchauffer ! Je me lève ½ heure après, je reçois une lettre de Marie-Louise me disant que sa mère n’allait pas mieux, qu’elle était désolée. Je m’habille à la hâte et je cours chez elle. Avec l’alerte des zeppelins, je craignais qu’elle se soit affolée. Lorsque je suis arrivée, sa mère dormait, aussi je ne l’ai pas vu, je regrette car j’aurais voulu me rendre compte de son état. Son frère à Marie-Louise est justement en permission. Ça tombe bien, sa mère voulait justement le voir. Je ne l’ai pas vu non plus, tout le monde dormait.

Marie-Louise faisait la popote. Pauvre gosse, ça la change, elle qui n’est pas habituée à faire la cuisine. Enfin, elle s’en tire tout de même. Je lui ai offert mes services, mais elle n’a pas accepté. Voilà huit jours qu’elle n’a pas été à l’Opéra, aussi elle craint d’avoir des ennuis. Je la revois demain, comme son frère est là, elle en profite pour sortir. Pauvre petite, je souhaite de tout mon coeur que sa mère aille mieux. Ça serait trop terrible à son âge d’être seule.

Je t’écris entre midi et 1 heure pour la raison que je suis rentrée à 11h½. Le temps de préparer mon déjeuner, je n’ai pu t’écrire plus tôt. De plus, avant d’aller chez Marie-Louise, j’avais été chercher les photos sur les boulevards. Tu vois d’ici si je me suis dépêchée. Tantôt, j’ai rendez-vous avec Madame Schwab à 1h½. Tu vois s’il faut que je me dépêche. Je crois que tout en me dépêchant, je bafouille, je répète deux fois la même chose. Enfin, tu m’excuseras.

Elle m’a demandé de l’accompagner à une réunion au Gaumont. Je n’ai pas osé lui refuser, mais ça me plait pas plus que ça.

C’est pour ça que je t’écris à l’heure du déjeuner, parce que tantôt je n’aurai pu le faire. J’ai reçu hier soir ta gentille lettre du 13. Tu es tout pardonné pour tes heures supplémentaires de sommeil ou plutôt pour l’arrêt de ta montre. Toute la faute est à elle.

montre

Comme amende amère, je ne vois pas trop ce que je pourrais te donner. Si, je sais, ma photo. Elle n’est pas terrible l’amende. En plus, j’y ajoute une foule de baisers de ta petite

Mino

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