Le 1 er Février 1917

Petit chéri,

En rentrant de chez ta tante hier, j’ai trouvé ta gentille lettre du 29 sous la porte. Ce matin, j’en ai encore reçu une autre, celle du 28. Détail curieux, ta lettre du 29 est arrivée avant celle du 28. En ce moment, il ne faut s’étonner de rien. Pour Paris, une lettre met jusqu’à 4 jours, pour aller d’un arrondissement à l’autre.

Je suis contente que tu reçoives enfin de mes nouvelles, cela doit te distraire un peu et te faire paraître le temps moins long. Je comprends qu’en ce moment vous ne pouvez travailler, il fait un si vilain temps ! Ici la neige a recouvert Paris de son grand manteau blanc. Il fait toujours aussi froid et l’on se demande quand ça finira.

Aujourd’hui je ne quitte pas mon feu de la journée, j’en suis bien contente car sortir de ce temps-là, ça n’a rien d’agréable. Je t’écris le dos au feu. Lorsque j’aurai fini cette lettre, je reprendrai bien sagement ma place sur ma petite chaise et je me lancerai dans ma lingerie. Depuis huit jours, je suis contente de moi, je me donne des coups de pieds, j’ai très bien travaillé. Enfin, je te raconte je crois en ce moment des choses qui ne t’intéressent pas beaucoup.

Ce matin avec ta lettre, j’ai reçu enfin des nouvelles de Marie-Louise, il y avait un siècle qu’elle ne m’avait pas écrit, aussi elle m’adresse toutes ses excuses. Je n’avais pas eu de ses nouvelles depuis la fois que nous l’avions vu ensemble. Comme tu vois, ça date de loin. Je me rappelle qu’elle m’avait promis de venir me voir le jour que tu partirais de perm’, mais elle n’a pas pu, elle m’avait envoyé un mot pour s’excuser et bien depuis, pas de nouvelles, ce qui fait exactement 16 jours. Aussi elle craint que je sois en colère après elle.

Elle me demande de tes nouvelles et si je t’ai revu. Pauvre chou, elle ignore que tu es parti loin, bien loin. Elle me demande ce que tu fais. Sa lettre est de 6 pages, aussi quelle tartine !

Elle est au repos en ce moment, elle a un ongle incarné qui la fait beaucoup souffrir aussi elle ne peut plus danser.

En plus de ça, pour pas changer d’habitude, elle a un rhume de cerveau pépère !!! Marie-Louise ne peut pas vivre sans rhume de cerveau. Elle me donne rendez-vous pour jeudi 8 février aux Galeries. Je vais lui écrire tout de suite et la mettre au courant de mes peines.

Je te quitte mon chéri, la place me manque.

Mille tendres baisers de ta petite

Mino