Espoir bien vague

Le 27 février 1917

Petit chéri,

J’ai reçu hier au soir ta mignonne lettre du 24. Cela m’a fait deux lettres dans ma journée, je n’ai pas à me plaindre. Pauvre chéri, je comprends combien tu dois t’ennuyer, j’en sais quelque chose…. J’espère qu’à un moment favorable tu remettras ça, aussi cela m’aide à moins m’ennuyer. Malheureusement mon espoir est bien vague, surtout depuis tantôt.

Je viens de voir Madame Sevette et Madame Petitjean chez la couturière, et elles m’ont appris une chose à laquelle je n’avais pas pensé. Tu loges à l’escadrille maintenant, aussi tu dois être plus tenu. Et tu comprends la suite. Moi, je la comprends malheureusement trop bien, et cette nouvelle m’a mis du vague à l’âme. J’étais très gaie tout à l’heure, maintenant je suis légèrement refroidie. Enfin, malgré tout je ne me désole pas pour cela. Moi qui n’ose pas sortir !

Hier j’ai profité que c’était Lundi pour aller faire des achats aux Galeries, je ne vivais pas tant que je n’ai pas été rentrée et je ne vivais plus du tout lorsque à mon retour la concierge m’a appelé pour me dire… que le gaz remarchait. J’étais loin de penser à ça. Surtout qu’elle a commencé par me dire : « Pendant votre absence il est venu… le gaz. » Je croyais que c’était toi. J’étais très contente de ravoir le gaz , mais j’aurais été encore plus contente de te ravoir.

Surtout que ce sale gaz m’a fait des farces. Il ne voulait pas s’allumer. Il n’y avait que moi qui n’en avait pas dans la maison. Enfin, au bout d’une demi-heure d’efforts, il a daigné apparaître. Cette fois-ci, j’espère qu’il marchera bien. A part ça, rien de nouveau à te dire.

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je t’envoie mon petit Lou Aimé une foule de caresses de celle qui voudrait bien revoir un jour comme le Mardi gras,

Mino

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