Le 24 février 1917,

Mon petit Lou chéri,

J’ai reçu ce matin ta gentille lettre du 22 qui m’a complètement rassuré sur ton sort. Je craignais quelquefois que tu aies des ennuis à ton retour pour la petite prolongation. Heureusement, il n’en est rien.

Pauvre petit Lou Aimé qui est resté dans le couloir ! Tu devais être exténué pauvre chéri ! J’en suis désolée. Ta lettre est encore passée à la censure, nous n’avons pas de veine. Je n’ai pas besoin que tout le monde lise ce que tu m’écris. Heureusement que l’on a soin de recoller l’enveloppe, sans quoi ma concierge se serait payé cette petite lecture à bon marché.

Ce matin (il ne faut pas que je dise du mal d’elle), elle m’a apporté ma carte de sucre. Je n’ai pas eu la peine de faire la queue, pourvu que ça dure, c’est trop d’amabilité.

Depuis hier soir, encore pas de gaz. Quelle tuile !!! Aujourd’hui il a fallu rallumer la cuisinière, aussi depuis ce matin je ne suis pas de bonne humeur. Il y a de quoi. J’ai été dans la cour casser un baquet en morceaux, c’était pas drôle, je t’assure, moi je ne m’y connais pas à casser du bois, aussi j’ai mis beaucoup de temps. C’est encore de la veine que je ne me sois pas blessée. Ensuite, j’ai été chercher 25 kilos de charbon en quatre fois. Inutile de te dire qu’après ça j’étais vannée. Ce n’est pas des travaux de femme que de faire tout cela. Encore, il faut que je dise rien. Vive l’été et vive le gaz !

J’ai encore de la chance que cela ne se soit pas trouvé au moment où tu étais là. Il n’y a que notre maison qui a ce privilège. C’est très agréable. La concierge a été à la Compagnie du Gaz ce matin, faire une réclamation. On va venir nettoyer les tuyaux. Ça ne serait pas dommage.

Toi petit Lou, que fais-tu maintenant ? Ne t’ennuies-tu pas de trop ? Et ton rhume va-t-il mieux ? J’espère que oui.

J’attends de tes bonnes nouvelles pour demain. En attendant ce plaisir et en espérant que mon mot te trouvera en bonne santé, je termine en t’envoyant mon petit Lou adoré les plus douces caresses de ta petite

Mino