Faire la charbonnière

Le 7 Février 1917

Petit Lou Aimé,

J’ai reçu ce matin ta bonne lettre du 4. Désolée pour toi que la chasse n’ai pas réussi. Moi qui croyais que tu aurais rapporté des pièces montres, ce n’est pas de veine.

Tu m’as fait peur en lisant la lettre. Tu mets : « J’ai à te dire quelque chose de très grave et j’oublie tout le temps ». J’ai cru qu’il t’était arrivé quelques chose. J’ai respiré en apprenant qu’il était question de la perte de mon éléphant. Je m’en doutais un peu. La preuve, je te demandais de ses nouvelles dans une récente lettre.

C’est un bien petit malheur qui est facile à réparer. J’en ai un autre qui attend, mais je ne sais comment te le faire parvenir. C’est tellement petit. Si j’avais su ça, je te l’aurais mis dans tes chaussures. Il aurait eu de la place !!! Quant à t’en vouloir, tu sais bien que j’en suis incapable, surtout pour une peccadille de la sorte. Je n’ai pas non plus à t’excuser pour ton papier, le mien est si joli ! Surtout le format. Ce qu’il y a, c’est qu’il écrit, celui-là, tandis que l’autre je me bats avec. C’est plutôt drôle de me battre en t’écrivant.

Hier, je me demande si ma lettre est partie. En arrivant à la poste, il était 18h et le courrier part à 18h moins ¼. Quelle journée bien employée que celle d’hier, je n’en pouvais plus. Le matin, j’ai été au marché dans la neige, je glissais à tous les pas avec mon filet plein de provisions. C’est miracle si je ne me suis pas étalée. Après j’ai fait la charbonnière. J’étais gentille, j’aurai voulu que tu sois dans un petit coin de la cave. J’avais une marmotte sur la tête, on ne me voyait plus les yeux, tu te serais éclaté de rire. J’ai remonté tout le charbon dans la cuisine, j’en ai fait des voyages ! Après j’ai balayé la cave. J’ai remué un tas de choses pour avoir le peu de charbon qui était tombé derrière, tels que caisses, garde-manger, planches, casiers à bouteilles. Enfin, j’ai eu fini, midi sonnait et j’étais dans un drôle d’état. En remontant, j’avais la figure à la poudre de riz qui n’avait rien de Rachel.

teinte rachel

Après déjeuner, j’ai fait le ménage avec la femme de ménage, j’ai eu fini à 5 heures. Le temps de t’écrire et d’aller à la poste, il était 6 heures. Tu vois que pour une journée bien employée, ça en était une. Aussi je n’en pouvais plus le soir, je me suis couchée de bonne heure, toujours pas de lumière. Ce matin, pas de gaz pour faire la cuisine, c’est gai ! Je n’ai pu faire chauffer mon petit déjeuner, aussi je m’en suis passé. Vers 10 heures, c’est revenu un peu, j’ai pu faire le déjeuner. Ce soir, je suis sûre qu’il n’y aura pas encore de lumière, c’est dû au froid tout cela. Nous n’avons presque plus de charbon, aussi je voudrais bien que ça cesse.

charbon, baionette 18-10-17

J’espère que tu es toujours en bonne santé. Dans cet espoir, je t’envoie mon Aimé les plus doux baisers de ta petite

Mino

07-02-1917

Monsieur Lucien Sevette
Sergent pilote
Escadrille C.4
Secteur postal 95

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