Ton manchon est épatant

Le 20 Janvier 1917

Petit chéri,

J’ai reçu ce matin avec grand plaisir tes gentilles lettres du 16 et 17. Pauvre petit Lou ! Je m’imagine fort bien combien tu dois t’ennuyer, je comprends combien tu dois être triste. Je le suis tellement moi-même que cela ne m’étonne pas. Depuis que tu n’es plus là, il me semble que je suis perdue, que je ne vis plus. Je ne suis plus la même loin de toi. Aussi, je comprends très bien tous les malaises que tu éprouves.

L’indication complémentaire au sujet du manchon est arrivée à point. J’étais en train de le faire. Aussi je l’ai vite perforé de part en part. Il est épatant, ou tout au moins à mon idée je le trouve épatant. Je suis contente de moi car je l’ai bien réussi. Il est vrai que je travaillais pour toi, aussi il ne pouvait en être autrement. J’espère qu’il te plaira ! C’est très joli qu’il me plaise, mais le principal, c’est qu’il plaise à la personne auquel il est destiné. Moi, pour mon goût, j’aime mieux le tien que le mien.

Je n’ai plus qu’à le doubler, aussi si j’ai le bonheur de te voir demain, tu pourras l’emporter. Je vais le finir tout de suite après ta lettre. Ce matin, c’était très amusant de m’y voir travailler. J’avais le balai près de moi et à chaque instant je prenais mesure dessus. Tu vas avoir très chaud avec car j’ai mis beaucoup de ouate à l’intérieur. Si je ne te vois pas demain, est-ce qu’il faudra te l’envoyer ?

J’espère que ma lettre te trouvera un peu moins triste et en bonne santé. Dans cet espoir et dans l’attente de te voir ou d’avoir de tes nouvelles, je termine mon petit Lou aimé en t’embrassant bien bien tendrement.

Celle qui t’aime de toute son âme,

Germaine

Creative Commons License