Ça serait moins dangereux

Le 28 Janvier 1917

Mon petit chéri,

J’ai reçu ce matin avec grand plaisir ta gentille lettre du 24. Tu me dis que tu n’as pas encore volé, ton appareil n’est pas prêt. Tu vas sans doute faire comme Paillard qui attend son canon pour partir. Toi, c’est ton coucou.

Tu me dis que tu n’es pas malheureux. Je n’en doute pas, mais je préfèrerais te voir près de moi, tu ne le serais pas plus, et ça serait moins dangereux.

Je ne peux pas croire qu’il n’y a que huit jours que tu es parti, cela m’a semblé un siècle. Quand je pense qu’il faudra être quatre mois sans se voir !!!…… Je préfère ne pas y penser car je perdrais mon courage tout de suite. Je viens de m’apercevoir seulement qu’il n’y a que 6 jours que tu es parti, voici comment.

C’est aujourd’hui Dimanche et je me demandais ce que j’avais fait le dernier. Nous étions ensemble au théâtre Edouard VII

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Je n’étais pas très très gaie, si tu te rappelles, mais tout de même plus qu’aujourd’hui. Je t’avais près de moi, ce qui était déjà beaucoup. Tandis que maintenant, je suis toute seule et toi aussi. Comme distractions, j’ai travaillé toute l’après-midi et comme sortie, je vais aller à la poste. Triste Dimanche ! Le tien est peut-être encore plus triste. Aussi je ne me plains pas.

A présent, j’ai hâte d’être au matin pour lire ma gentille missive, car ce n’est que le matin que je reçois de tes nouvelles. (Ne fais pas attention à ce charabia. Je crois que je perds un peu la tête).

28-01-1917

L’autre jour, la mère à Paulette me donne de l’argent pour mettre des lettres à la poste. Non seulement je ne lui ai pas rendu sa monnaie, mais je lui ai réclamé le prix de ses timbres.

Pour mes commissions, c’est pareil. Je fais bêtises sur bêtises. On m’a dit l’autre jour (une commerçante) que j’avais l’air de dormir. En effet, c’est l’impression que je donne en ce moment. Tu ne vois pas qu’à ta prochaine permission, au lieu de trouver ta petite Mino, tu trouves une pauvre folle.

Je ne vois presque plus clair, aussi je vais terminer là ma lettre.

En espérant que ta santé est toujours bonne, je t’envoie mon petit chéri les plus doux baisers de celle qui ne vit plus, loin de toi

Germaine

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