Je mange comme six

Le 7 Décembre 1916

Mon petit Loulou chéri,

J’ai reçu hier au soir ta gentille lettre du 4. C’est à 7 heures du soir que je reçois tes lettres maintenant. Dans ta lettre, tu n’as pas encore reçu de mes nouvelles. Ça ne m’étonne pas, ma première lettre n’est partie qu’avant hier. Je l’aurai bien faite partir plus tôt, mais j’avais peur de mettre une adresse incomplète. Je voulais mettre Plessis-Belleville-Oise. Je crois que de cette manière, elle aurait eu du mal à te trouver.

Comme tu dois le penser, comme je t’écris à l’encre, c’est que je suis debout. Il n’y a pas longtemps que je me lève. Hier, je suis restée debout toute l’après-midi jusqu’au soir 9 heures. Aujourd’hui, je me suis levée à 9 heures et je ne me sens pas du tout fatiguée. J’ai les jambes un peu molles, mais ça reviendra vite. Il faut bien que je sois levée longtemps, sans ça Dimanche quand je sortirai, je serai toute étourdie.

A part ça, je me sens très bien, je mange comme six, et je ne tousse presque plus. Je ne fais rien du matin au soir. Si ce n’est de lire. C’est pas très fatigant.

Je ne fais plus du tout le ménage. Ce dont je ne suis pas fâchée. Il faut bien paraît-il que je me repose. J’ai pris une femme de ménage et je n’ai plus qu’à commander pour être servie. Pourvu que ça dure. On ne crie plus après moi. Aussi je ne me fais plus de mauvais sang. Je n’ai qu’à penser à toi. Aussi je ne m’en prive pas. Il ne me manque pour être complètement heureuse que ta présence. Mais je me dépêche de me guérir pour aller te voir. En ce moment, je n’ai que cette idée dans la tête.

Si tu as besoin d’un mécano, tu peux toujours m’embaucher. Il y a bien des femmes à Buc pour astiquer les coucous. Je ne vois pas pourquoi on n’en ferait pas autant où tu es.

Je vais terminer là ma lettre car mon père doit l’emporter pour la mettre à la grande poste rue du Louvre. Il paraît que ça part plus vite.

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En espérant que ma lettre te trouvera en bonne santé et rassuré sur mon sort, je t’envoie mon petit chéri les plus doux baisers de celle qui t’adore,

Germaine

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