Le 1er Novembre 1916

Mon petit chéri,

Je reçois à la minute ta longue lettre du 31 qui m’a fait grand plaisir. L’histoire que tu me racontes au sujet d’un de tes camarades m’a fort amusée. Je vois d’ici la poursuite ! Ça devait être roulant !

Je vois que tu n’es pas encore rassuré au sujet de ma santé, pourtant je vais tout à fait bien à présent. Hier, je suis sortie pour la première fois et l’air m’a fait beaucoup de bien. Je suis rentrée avec une faim de loup, mais très fatiguée. Figure-toi que les tramways sont en grève.

Aussi, pour aller au cimetière, j’ai du emprunter une autre ligne que celle que je prends habituellement. Et celle-ci me descend assez loin du cimetière, j’ai du marcher beaucoup. Malgré tout, j’y suis bien arrivée. Je suis rentrée assez tard car impossible de reprendre mon tram tant il y avait de monde. Heureusement qu’il y avait des grands chars-à-bancs, j’en ai pris un qui m’a conduite de Pantin à la Porte de Flandres.

Figure-toi que j’ai voyagé avec tout une bande d’aviateurs, ceux du Bourget. Aussi, je suis rentrée toute joyeuse, pensant que les permissions étaient rétablies. Malheureusement la soirée s’est écoulée sans la venue de mon petit Lou chéri. Alors pourquoi ceux-là étaient-ils en permissions ? Sans doute pour la même raison que tes camarades à Avord. J’avais pris plaisir à les entendre causer. Il y en avait un qui se plaignait que son képi avait été bousillé. L’autre qu’il y avait eu du tabac dans l’après-midi et ainsi de suite. Pourtant hier, il faisait un temps superbe. Je suis sûre que vous avez du voler.

Tantôt, je vais voir Marie-Louise qui n’est pas venue Dimanche après-midi. Je vais te quitter car voici midi et je ne suis pas en avance. Je crois que je vais faire honneur à mon déjeuner, je meure de faim, ce qui est très grave. Surtout plus d’inquiétude à mon sujet, je me porte à merveille. Depuis cette grippe, je n’ai plus la migraine aussi je ne suis pas fâchée de l’avoir eu.

En espérant que ta santé est bonne, je t’envoie mon petit Lou aimé les baisers les plus tendres de celle qui est folle de toi,

Germaine