J’ai déjà vu tant de pièces !

Le 17 Novembre 1916

Petit chéri,

J’ai reçu comme je l’espérais ta gentille lettre du 15, hier en m’en allant. C’est à peine si j’ai eu le temps de la lire. J’étais très en retard et lorsque je suis arrivée chez Loulou, je me suis fait “emballer”. Dans le métro, impossible de remuer mes coudes pour prendre ta lettre dans mon sac. J’y suis arrivée après un quart d’heure de métro. Petite séance de Loulou, parce que nous étions serrées et que c’était par ma faute, ensuite que je faisais geler Suzanne sur le boulevard. Enfin, nous sommes tout de même arrivées à nous rencontrer avec cinq minutes d’avance. Et cette pauvre Suzanne n’était pas encore transformée en bloc de glace.

Nous nous sommes amusées comme des petites folles. Loulou faisait rire tout le monde par ses réflexions. Suzanne la faisait taire et moi je m’éclatais de rire. J’aurais voulu que tu sois là pour entendre Loulou (et aussi pour t’avoir près de moi), elle est vraiment amusante à emmener au théâtre. On peut dire qu’elle ne prend rien au sérieux comme moi. Il est vrai que maintenant je n’y attache plus beaucoup d’importance, j’ai déjà vu tant de pièces !!! Enfin, nous avons passé un très bon après-midi.

Ce matin, j’ai reçu ton autre gentille lettre du 16 qui m’a épouvantée de savoir que tu montes à 5000m. Je crois que c’est le moment de te faire des recommandations et comme tu prétends que si je ne t’en faisais pas, je ne t’aimerais pas beaucoup, je vais t’en faire en masse, parce que je t’aime beaucoup beaucoup…!!!

D’abord, prend bien garde de ne pas attraper froid et couvre-toi bien. Si haut, on doit geler et tu n’as pas de gros manteau. J’espère que l’on vous donne des combinaisons fourrées par ce temps-là. Moi qui suis près du feu, je gèle, qu’est-ce que ça doit être à 5000m. Il est vrai que moi, je suis une petite momie, tandis que toi !!!

manteau

Ensuite de monter si haut, ça doit être très dangereux, aussi il faut bien faire attention à toi. Pour te dédommager de toutes ces recommandations, je t’envoie une foule de baisers. Aussi, il faut faire bien attention à toi, chéri.

J’espère que ta santé est toujours bonne et que tu as reçu de mes nouvelles aujourd’hui. C’est  la faute à cette Georgette si tu n’as rien eu hier, aussi je lui en veux beaucoup.

En attendant de tes nouvelles, reçois petit Lou aimé, les baisers bien doux de celle qui est si heureuse de t’adorer,

Germaine

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