Fou rire général

Le 7 Novembre 1916

Mon petit Loulou chéri,

Hier, je n’ai pas eu de tes nouvelles mais ce matin, j’ai eu le grand plaisir de recevoir deux mignonnes lettres, celles du 5 et du 6.

Ce que tu me réponds au sujet de la permission avant le front ne me dit rien du tout, car je pensais t’avoir au moins huit jours. Enfin, nous en sommes pas heureusement là et nous avons le temps d’y penser.

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Lorsque j’ai été au Gaumont, si j’ai été de ma larme, c’est à cause d’une scène pathétique intitulée “Notre pauvre coeur”, c’est pour cela que mes voisines s’amusaient tant ! Plus Loulou me faisait rire, plus je pleurais. Moi, c’est toujours comme ça lorsque j’ai ri longtemps, je pleure tout de suite après, c’est nerveux. Malgré tout, je te disais que nous nous étions bien amusées car il n’y avait pas que ce film-là, heureusement car j’aurai pu inonder la salle, ce qui aurait été assez dangereux.

Je ne t’ai pas raconté ma journée de Dimanche (plutôt l’après-midi) car je ne t’ai pas écrit hier, j’ai été chez toi.

Donc Dimanche, je t’avais écris que nous allions en matinée Marie-Louise et moi, à la Renaissance. Cette pauvre Marie-Louise a commencé pour m’amuser un peu à laisser envoler son chapeau bien malgré elle bien sûr. Aussi moi, je m’éclatais de rire à la voir courir à toutes jambes après son chapeau, porte Saint Denis, sans lui porter secours. Elle criait “Mon chapeau, mon chapeau” et tout le monde se tordait. Enfin, elle est tout de même parvenue à rattraper le fugitif. Mais elle était coiffée comme une folle. Jamais je n’avais vu un vent pareil à Paris, on se serait cru à Cayeux.

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La pièce que nous avons vu jouer était idiote. Marie-Louise qui avait dansé la veille au soir dormait sur mon épaule. C’était intéressant, comme tu vois, cette pièce ! En plus, de ça, à un moment donné, un artiste montre à un autre une cachette dans un décor et lui dit : “Tu vois, cher ami, rien de plus simple, c’est très commode”. Il n’avait pas fini de dire ça que le décors lui tombe sur la tête. Fou rire général.

Aujourd’hui, je reste à la maison toute la journée, j’en suis pas fâchée, il pleut à torrent. Ce temps n’est pas gai ! Mon pauvre chéri, tu dois t’ennuyer là-bas par un temps pareil !!! Dire qu’il y a un mois, nous étions ensemble à cette heure ! Et si délicieusement bien !!! Hélas ! Les mois se suivent et ne se ressemblent pas. Rien qu’à y penser, j’en ai le cafard.

J’espère que tu es toujours en bonne santé. En attendant de tes nouvelles, je t’envoie mon petit Lou aimé les plus doux baisers de celle qui pense sans cesse à toi,

Germaine

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