J’aurais besoin de renfort

Le 24 Octobre 1916

Mon petit Lou adoré,

J’ai reçu ce matin deux gentilles lettres de toi, celles du 22 et 23. J’ai été très heureuse d’apprendre que ton Dimanche ne se soit pas passé sans nouvelles. J’en avais bien peur pourtant ! Ça doit être si peu gai un dimanche à Avord !

Les explications que tu me donnes au sujet de ton brevet civil me tranquillise un peu. Il est vrai comme tu dis, nous n’en sommes pas encore là, nous avons le temps d’y penser. Malgré tout, rassure-toi, je n’ai pas du tout l’intention de te mettre sous cloche. Je ne suis pas à ce point là, heureusement pour toi. Il est certain que si tu m’emmenais, je n’aurais plus rien à dire. Enfin, nous en reparlerons.

Tu dois vraiment t’ennuyer en ce moment, le temps est si vilain qu’il doit être impossible de voler. C’est l’hiver qui approche. A Paris, il fait très froid depuis plusieurs jours, beaucoup de brouillard. Je ne sais si c’est dû au temps, mais depuis ce matin, je suis patraque. J’ai la migraine pour changer, et j’ai mal aux dents, ce qui n’est pas drôle. Je suis gelée, c’est à peine si je peux tenir mon porte-plume. Heureusement que Paulette n’est pas venue tantôt, car avec ma tête, je sens que je n’aurai pas eu grande patience. Hier, elle trouvait que la photo que j’ai dans ma bague me ressemblait beaucoup. Vaguement je trouve !

Oui en effet, il y a des jours où j’aurais besoin de renfort. Mais je ne trouve pas que tu sois tout indiqué pour être ce renfort. Car si tu étais là, les commissions de Suzanne et de mes amies passeraient après toi et je ne m’en chargerais pas. D’ailleurs, si tu étais là, crois-tu que notre temps s’écoulerait à faire des courses ? Je ne crois pas, n’est-ce pas mon chéri ?

En espérant que tu es toujours en bonne santé, je termine mon petit chéri en t’envoyant mes plus doux baisers. Celle qui pense à toi toujours,

Germaine

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