Rêver à toi dans mon dodo

Le 5 Septembre 1916 – 20 heures

Mon petit chéri,

Comme je te l’ai promis dans ma lettre, je viens t’écrire plus longuement ce soir. Tu sais, ce n’était guère commode de continuer ma lettre en compagnie de Marie-Louise. Comme nous ne nous étions pas vues depuis longtemps, nous avions mille choses à nous raconter. Aussi j’écrivais une ligne et je m’arrêtais pour bavarder, aussi j’ai préféré ne pas continuer. Je suis vraiment contente de la savoir de retour et si ce n’était que j’ai été forcé de brusquer un peu la fin de ma lettre, je serai tout à fait contente de sa visite. J’espère que tu ne lui en voudras pas.

Nous avons été ensemble chercher tes insignes. Mon chéri, je suis bien ennuyée, car j’ai peur que ce ne soit pas fait comme tu l’aurais désiré. Les ailes me paraissent bien, mais tu les trouveras peut-être un peu grandes. Tant qu’à l’insigne du bras, je la trouve d’un or un peu jaune. Il est vrai qu’étant neuf, ça fait cet effet là, mais une fois porté, ça doit brunir.

Marie-Louise m’a complètement rassuré en me disant qu’elle préférait l’insigne de mon chapeau. Si cela ne te plaisait pas, dis-le moi, je t’en ferais broder d’autres. Tu garderas les morceaux qui tomberont. Ils pourront servir pour d’autres. J’attends ta réponse à ce sujet.

Tu me disais ce matin dans ta lettre que tu avais retrouvé Rivière mais il ne doit plus en avoir pour longtemps à Avord ? Marie-Louise connait un tas d’aviateurs à cet endroit. Elle m’a cité plusieurs noms mais  je m’en rappelle déjà plus. Celui dont je t’ai parlé est un filleul d’une de ses camarades. Son filleul à elle est en ce moment à Cazaux. Tu te trouveras peut-être avec lui dans cet endroit.

Je voulais te demander : Pour ta permission, quand comptes-tu l’avoir ? Et de combien de temps est-elle ? Je suis bien certaine qu’elle n’est pas de huit jours, malheureusement. Elle doit être de 24 heures sans doute. C’est bien peu mais enfin, il ne faut pas être trop difficile, c’est mieux que rien. Si Marie-Louise m’entendait causer, elle me ferait certainement un chapitre. Elle trouve que j’ai beaucoup de chance en ce moment et que je me plains tout le temps. Elle peut-être un peu raison, mais plus on en a, plus on en veut. Aussi je trouve que j’aurais encore plus de chance si j’étais tout le temps avec toi et que la guerre soit finie.

N’es-tu pas de mon avis mon chéri ? Quand est-ce que je verrai mon beau rêve se réaliser ? Là je n’aurai plus rien à désirer, je serai pleinement heureuse et je trouverai que j’ai réellement de la chance.

Depuis que j’ai gouté de si délicieux moments auprès de toi, je suis encore plus impatiente de le voir se réaliser. Je suis si bien près de toi que je voudrais y rester tout le temps. Malheureusement il n’est pas encore près de se réaliser ! Enfin, il faut savoir attendre et espérer. Je me rappelle cette pensée que je t’avais envoyé : L’espérance est l’emprunt fait au bonheur. C’est peut-être vrai !

J’espère que ma lettre te trouvera en bonne santé et qu’elle te désennuiera un peu de ton sale patelin.

En attendant le plaisir de recevoir une mignonne lettre de toi, je te quitte mon Loulou aimé pour aller rêver à toi dans mon dodo. Reçois mon mignon chéri mes plus doux baisers,

Celle qui t’aime pour la vie,

Germaine

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