Encore toute tiède de tes baisers

Le 1er Septembre 1916

Mon Loulou aimé,

J’ai reçu ce matin ton petit mot que j’attendais avec impatience afin de connaitre ton adresse.

Je comprends aisément que tu sois fatigué. Pauvre Lou chéri ! Es-tu seulement bien installé à présent ? J’espère que ma lettre te trouvera complètement remis des fatigues de ton voyage. Je me doutais bien que l’on ne te dirait rien pour ton retard. Aussi je suis très contente que tu aies eu cette idée-là. Nous sommes restés une journée de plus ensemble de cette manière.

Moi je crois qu’il est inutile de te dire que depuis ton départ j’ai une flemme carabinée. Tu dois t’en douter. Hier, je n’ai rien fait de la matinée si ce n’est d’aller m’assoir d’une chaise à l’autre. tu vois d’ici le courage ! J’ai fait ma chambre à 11 heures. Ce matin de même. J’emploie mon temps à rêver. A rêver à qui ? à toi !!! Tu es encore si près de moi ! Je me sens encore toute tiède de tes baisers, il me semble que tu es encore à côté de moi. Il me semble que tu vas revenir dans un moment.

Je me surprends depuis hier à guetter les voitures qui s’arrêtent devant la maison. Peine perdue ! Tu es bien parti. Mon pauvre chéri, nous voilà encore séparés. C’est bien dur après avoir gouté de si délicieux moments. Je trouve que cela ne devrait jamais avoir de fin. On devrait être tout le temps ensemble. Ah maudite guerre ! Comme je lui en veux. Si seulement elle était arrivée que plus tard, je pourrais à présent te suivre partout où tu es et nous serions complètement heureux. Tu ne me vois pas à Avord, rien qu’avec toi ? Ça serait délicieux. Là au moins ça serait le rêve et je n’aurais pas peur du tout.

Tu sais mon amour, je ne t’en veux pas du tout, du tout. Au contraire, c’est à moi que j’en veux de t’avoir laissé partir avec ce mauvais souvenir. J’ai été une sotte de te faire cette petite scène. Mais mon chéri, je réclame toute ton indulgence, excuse mon ignorance…

Ton père vient de passer à l’instant aussi rien que de voir la voiture, j’en ai le coeur qui bat. Il est avec ta malle. Il doit sans doute la mener à la gare. Comme je voudrais être comme cette danseuse dont nous parlions qui tient dans une malle. Au lieu de trouver tes effets, c’est moi que tu trouverais.

homme serpent

J’ai fait ta petite commission hier après-midi, pour tes ailes. Tu sais, pour une maison de gros, ils sont guère dégourdis. Ils ne savaient pas comment sont les ailes des sous-officiers. Pourvu qu’ils ne fassent pas de bêtises. Je dois les avoir Lundi. Tu les auras pour mardi.

051_Insignes_Chabaud

Je vais te quitter mon Loulou chéri. J’espère avoir bientôt une longue lettre de toi. En attendant ce plaisir, je t’envoie mon Loulou adoré, les baisers les plus doux de ta fiancée qui t’adore follement,

Germaine

Creative Commons License