Les qualités d’un futur As

Le 8 Septembre au soir,

Mon petit chéri,

Ce soir, je suis rassurée sur ton sort et c’est bien moins inquiète que tantôt que je t’écris. J’ai vu tes parents : c’est aujourd’hui Vendredi et j’ai trouvé ta mère chez Loulou. Elle m’a complètement rassuré en me disant que tu avais fait deux autres tours le lendemain de ta chute. Donc comme tu le disais, j’ai la certitude que tu n’as rien eu. Tu as oublié de me donner ce détail, si j’avais su ça ce matin, je me serais moins inquiétée.

Tu avais beau me dire que tu n’avais rien, c’est plus fort que moi, il faut que je me fasse du mauvais sang. Suis-je bête mon Dieu avec mes idées ! Enfin, je suis tranquille ce soir sur le sort de mon chéri. J’en suis bien contente car je ne vivais plus. J’aurai voulu que tu voies ma tête chez Loulou. Lorsque ta mère m’a eu rassuré, je ne savais si je devais rire ou pleurer, je crois que je faisais les deux ensemble.

Je suis doublement contente de savoir que tu a fait deux autres tous. C’est que tout n’est peut–être pas encore perdu pour toi sur Nieuport. On t’a peut-être donné un dernier essai à faire si tu t’en es bien tiré, on te gardera peut-être. C’est ce que je veux espérer jusqu’à preuve du contraire. Je ne veux pas croire que mon chéri aurait la malchance d’être envoyé sur un vilain appareil de nuit, quand tout dénote en lui les qualités d’un futur As. Nous n’avons déjà pas de chance en étant éloignés loin l’un de l’autre, il ne faut pas que cela continue dans tes affaires.

Je lui en veux beaucoup à ce coucou. Il est la cause de bien des ennuis. S’il s’était conduit convenablement, tout cela ne serait pas arrivé et mon Loulou n’aurait pas pris une si malencontreuse bûche. D’ailleurs je suis sûre que ce n’était pas de ta faute du tout. Il devait être mal réglé et les commandes faussées.

J’attends demain matin avec impatience pour avoir des détails et pour avoir des bonnes nouvelles. Je continuerai demain matin cette lettre, je te quitte plus tranquille et je vais dormir de même. Bonsoir mon Lou chéri, reçois de celle qui t’adore follement des millions de baisers,

Germaine

 

Le 9 Septembre 1916

Mon Loulou chéri,

Ce matin j’ai reçu ta gentille lettre du 8 qui m’a complètement rassuré. Tu dois t’ennuyer si tu ne fais rien. De cette manière, tu es sûr de ne pas avoir d’ennuis. Enfin je voudrais bien savoir ce qu’il va résulter de tout ça.

Je vais à bicyclette tout de suite aussi, je vais faire attention à ne pas être dans les nuages.

En attendant de bonnes nouvelles, je te quitte mon chéri en t’envoyant mes plus tendres baisers,

Germaine

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