Le 16 aout 1916, 9 heures du soir,

Mon Loulou adoré,

J’ai reçu ce matin ta gentille lettre du 14. En la lisant, tu m’as fait bien peur. Tu mets en bas d’une page “il vient de m’arriver un petit accident“. Je t’assure, je n’osais plus tourner la page. Je croyais qu’il t’était arrivé quelque chose. Enfin j’ai respiré lorsque j’ai su que cet accident était vraiment léger et bien réparable. Ne te désole pas pour si peu lorsque je sortirais, je t’en enverrai une autre. On croirait vraiment que j’ai l’habitude de te gronder, tu me dis que tu mérites d’être grondé par moi ! Cela ne vaut pas la peine, vraiment, en plus ce n’est pas de ta faute, mais celle de la mer.

Ce brave Cécelle ne s’en fait pas, il se met bien. Quelle veine il a ! Il aurait du me les passer ses huit jours mais pas pour la même direction. Le Crotoy m’aurait suffit.

Malgré que je n’ai pas de chance comme tu me le dis, je ne me désole pas trop et j’attends avec impatience la fin du mois. Je ne suis pas contente après moi ce soir, je n’ai pu t’écrire tantôt et ma lettre ne partira pas.

Mon amie qui devait aller au Crotoy et qui s’appelle Germaine comme moi est venue à 1 heure me chercher pour partir immédiatement à Juvisy. Le train était à 1heur55. Je ai eu à peine le temps de m’habiller et nous sommes parties. Mon pauvre Loulou, de cette manière, a été privé de lettre. Tu vas certainement en vouloir à mon amie.

Cette pauvre fille, il était sans doute dit qu’elle irait dans un endroit où il y aurait un centre d’aviation. Elle va passer ses vacances à Juvisy et je la conduis demain chez des amis. Leur maison donne juste sur le champ d’aviation, et de leurs chambres, on voit très bien les départs et les atterrissages. C’est superbe. Quels sont les aviateurs qui sont là ? Ils sont au moins 200.

Voilà encore une amie de partie et me voilà seule. Elle et Marie-Louise sont mes meilleures amies, car je ne compte plus Madeleine Blin et ces deux amies, je ne les verrais plus pendant au moins un mois. Heureusement que je vais à bicyclette avec Suzanne et Loulou-e.

Je termine ce bavardage en t’envoyant mon Loulou chéri mes plus doux baisers,

Germaine