Merci du voyage !

Le 7 Aout 1916

Mon Loulou chéri,

J’ai reçu tes lettres de 4 et 5. Tu me dis que ne n’ai pas l’air de croire à tes belles promesses. Tu as complètement raison. Et c’est pour ça que je ne pouvais m’empêcher de rire en lisant ta lettre. Comment veux-tu que j’y croie, tu es si…. !

D’après ce que je vois, tu avances très vite en ce moment. Quand passes-tu ton brevet ? Tu ne dois plus en avoir pour longtemps au Crotoy ? Où feras-tu tes triangles ? Tu avais dit Buc. Ce n’est pas un triangle de venir à Buc, d’ailleurs il y a plus de 200 kilomètres. J’en parlais à ton père, l’autre jour, il m’a dit que tu m’avais monté en bateau. Ce dont je n’ai pas voulu croire.

Figure-toi mon chéri qu’un peu plus, je partais au Crotoy pour un mois, cette semaine. Voici comment.

J’ai une amie qui est malade ou plutôt anémiée et qui a besoin de grand air. Sa mère avait eu par des amies une adresse pour aller à Cayeux. Mais mon amie ne connaissant personne à cet endroit, ne voulait pas partir seule. Elle m’avait demandé d’aller avec elle, ce qui ne me plaisait pas beaucoup. Aller à Cayeux à deux pas d’où tu es et ne pas te voir. Merci du voyage !

Aussi, j’avais demandé à sa mère que si elle voulait, je voulais bien partir avec elles, mais à condition qu’elle change le lieu, pour le Crotoy. Ce dont elle m’a accordé tout de suite. Pour elle, Le Crotoy ou Cayeux, cela lui était égal. Pas moi toujours !

Donc tout était décidé, mon père approuvait mes idées. Il ne restait plus qu’à fixer le jour du départ et à te prévenir, nous aurions loué une petite maison, la mère de mon amie qui est une personne charmante devait s’occuper de tout, nous n’aurions eu mon amie et moi qu’à nous promener du matin au soir.

Mais hélas ! Il y a eu un mais. Ces personnes-là tiennent un commerce et le père ne veut pas rester seul à moins de fermer “boutique”. Et voilà comment prit fin ce matin un beau rêve que j’avais échafaudé depuis plusieurs jours. Mon amie est désolée, sa mère navrée de m’avoir promis et de ne pouvoir tenir. Moi je me suis vite consolée de cette déception en recevant ta lettre ce matin. Si tu passes bientôt ton brevet, tu ne serais pas resté un mois là-bas, donc j’aurais du quitter mes amies. Ce qui aurait été ennuyeux pour elles. Comme ça, tout est réglé d’avance.

Je ne dis pas que dans le fond, je ne regrette pas un peu, mais que veux-tu ? Je commence à m’habituer aux déceptions. Ce beau rêve, je l’avais déjà caressé il y a un mois, lorsque mon père m’avait dit que nous irions passer ses vacances près de toi ! Ce qui n’a pas réussi. L’autre jour, l’idée de Marie-Louise n’a pas réussi non plus. Aujourd’hui, c’est la même chose. Aussi bien malgré moi, j’apprends à me résigner.

Je termine là mon bavardage car je vais chez toi et il est 3 heures. Au revoir mon Loulou chéri, reçois les plus doux baisers de ta fiancée qui t’adore,

Germaine

 

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