Vouée aux bûches

Paris, Le 9 Mai 1916

Mon petit Loulou chéri,

Comme je l’espérais, j’ai trouvé en rentrant de bicyclette ta gentille carte d’hier. Je suis heureuse de savoir que tu as fait bon voyage.

Je viens te mettre au courant des exploits de ma journée. Tu sais, ils ne sont pas brillants. Je me suis encore offert une belle bûche. La série des excentricités continue. Cette fois-ci, ce n’est presque pas de ma faute. Voici comment c’est arrivé : nous étions sur les bords de la Marne, et nous avions une côte à monter. Je prends mon élan et arrivée en haut, Suzanne m’appelle et me dit de redescendre afin de prendre un petit sentier au bord de l’eau. Je redescends et arrive au sentier, je tourne brusquement ayant pris mon virage trop court je vais en ligne droite sur le talus bordant la Marne. Tu vois d’ici dans quelle mauvaise passe j’étais !

pour&contre

Ne voulant pas prendre un bain forcé, j’ai tout lâché, et je suis tombée à quelques mètres de l’eau. A choisir, j’ai préféré la bûche au bain. Je m’en suis tirée sans trop de mal, mais enfin plus que l’autre jour, j’ai les paumes de mains toutes écorchées, mais enfin, ce n’est pas grave, j’en ai déjà vu de plus dures. Tu vois comme je suis bonne à faire quelque chose. Décidément, je crois que je suis vouée aux bûches. Cette fois-ci le fameux tas de cailloux ne manquait pas, il était à quelques pas de mon lieu d’atterrissage.

Ce qui me console, c’est qu’il n’y a pas que moi qui m’offre de vastes bûches. Mes ainées se mettent de la partie. Suzanne et Loulou se sont mise proprement par terre. Mais comme bûche, c’était encore pire que moi. Je ne sais pas comment elles ont fait, toujours est-il que tout d’un coup, je les ai aperçues nageant sous leurs bicyclettes. C’était le jour ! C’est Suzanne qui a le plus pris, pas elle, mais sa bécane. Son garde-boue avant est en deux, et pour clore la fête, son talon cassé en deux aussi. Je crois que nous nous en rappellerons de notre promenade. Je crois qu’en ce moment, tout le monde prend des billets de par terre.

Enfin, à part ça, nous avons fait une très bonne promenade, une trentaine de kilomètres ce qui commence à compter. Aussi ce soir, je sens n peu mes jambes et aussi mes genoux.

As-tu lu mon petit article sur les “ailes battantes” ?

J’espère que le récit de mes exploits te trouvera en parfaite santé. Dans cet espoir, et dans l’attente de tes bonnes nouvelles, je termine en t’envoyant mon Loulou adoré les baisers les plus tendres de celle qui ne pense qu’à toi,

Germaine

 

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