Il t’aurait donné sa place

Paris, Le 4 Mai 1916

Mon cher petit Loulou,

Je viens de recevoir ta gentille lettre du 3. Comme tu as du le savoir par ma lettre d’hier, j’ai reçu ton petit mot à temps et je n’ai pas été une seconde fois à la gare pour rien. Une fois suffisait, car je t’assure que ça fait très mal au coeur de ne voir personne.

Tu me dis que je ne dois pas être trop contente. C’est vrai, sur le moment surtout, mais que veux-tu ? Comme je sais que ce n’est pas de ta faute, je me résigne à attendre en espérant que Samedi nous aurons plus de chance. Décidément, mon pauvre chéri, tu n’as pas beaucoup de chance en ce moment !!! Si ton camarade avait été un peu chic, il t’aurait donné sa place. J’avais envie de lui dire.

Tous nos beaux projets d’être ensemble sont un peu tombé dans l’eau. Si tu viens Samedi, tu ne pourras pas faire tes courses le Dimanche, puisque tout est fermé. En plus de ça, le Dimanche, ça ne me dit rien, tu comprends pourquoi ? Enfin, faute de mieux, je m’en contenterai puisque je serai tout de même avec toi.

Donc Samedi, je retournerai à la gare, mais ce n’est pas avec la belle confiance de Mardi que je partirai. Pourvu que je ne revienne pas seule ! Sans quoi, quel cafard !

En espérant que ma lettre te trouvera sur le point de partir et en parfaite santé, je t’envoie mon chéri tous mes plus tendres baisers,

Celle qui t’adore,

Germaine

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