Robe mise en pièces

Paris, Le 15 Mai 1916

Mon Loulou chéri,

J’ai reçu tout à l’heure ta gentille lettre du 14. Rassure-toi mon chéri, je ne suis pas restée plus longtemps sans nouvelle. Le troisième jour au soir, j’ai reçu une gentille lettre. En plus de ça, toutes tes lettres me sont parvenues, mais avec un peu de retard.

Maintenant l’encombrement sur la ligne doit être terminé car j’ai reçu ce matin une bonne lettre et ce soir une autre.

Tu me dis que tu espères me voir Dimanche. Moi j’y compte ! Il est vrai qu’il vaut mieux compter qu’espérer. Dans le métier militaire, il y a parfois des surprises peu agréables. Exemple : ta dernière permission.

Cet après-midi, j’ai été chez toi et justement, tes parents m’ont demandé si tu avais écrit que tu venais Dimanche. Je me suis contenté de répondre que j’espérai et c’est tout.

Tu sais, Loulou devient insupportable depuis que tu lui as accordé des droits sur moi. Cet après-midi comme vengeance de lui avoir mis un dé dans le dos, elle m’a fait descendre l’escalier en vitesse. J’ai déroulé à la moitié et je suis venue choir sur le tapis. Je finis par croire décidément que je suis vouée aux bûche et que l’on doit s’imaginer que je suis en caoutchouc. Moi peut-être, mais pas ma robe qu’a été légèrement mise en pièces. Je sors d’un bleu pour en attraper un autre.

Enfin, heureusement que j’ai bon caractère et que je me contente de rire et de faire rire Suzanne et Loulou. Ça ne fait rien, je réclame ma vengeance moi aussi. Loulou est trop forte pour moi.

Demain, nous allons en bécane, j’espère ne pas rattraper de nouveaux bleus. J’en suis couverte. Assez pour le moment.

J’espère que le temps s’est remis au beau et que tu peux voler. Ici le temps a été très beau tantôt.

En espérant te voir bientôt et en attendant ce bonheur de recevoir de tes nouvelles, je termine mon petit chéri en t’envoyant de nombreux baisers.

Ta petit fiancée si heureuse de t’adorer,

Germaine

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