Pense à moi

Paris, Le 7 Avril 1916

Mon petit chéri,

Je viens de recevoir ta gentille lettre du 6 m’annonçant le retard apporté à ta permission. J’en suis bien ennuyée, mais puisqu’il n’y a rien à dire, je me résigne. J’espère avoir le plaisir d’aller te voir Pâques. Je ne suis pas encore très sûre, mais j’espère tout de même.

Comme tu le dis, je ne sais pas si cela plaira à mon père de me laisser seule. Il y a des chances que non. Mais enfin, espérons. Tu devrais demander à tes parents d’aller passer leurs vacances de Pâques avec toi. Comme cela, s’ils restaient plusieurs jours, je pourrais rester avec eux.

Je suis toute honteuse d’être qualifiée de petite méchante par toi. Mon petit chéri, je te demande mille fois pardon à genoux du sacrilège que j’ai soit-disant commis, mais tu n’as pas interprété le sens de ma phrase comme je le pensais.

En te disant : “Fais attention à toi, ne fais pas d’imprudence, pense à moi un tout petit peu avant de monter“, je voulais te dire bien des choses ! Je voulais te dire surtout par ce “pense à moi” qui t’a tant choqué, que maintenant ta vie ne t’appartient plus, puisque tu me l’as promise et que la mienne serait complètement brisée s’il t’arrivait quelque chose.

Voilà à quoi je faisais allusion en te disant cela. As-tu compris cette fois le sens de mes paroles ? Je comprends que si j’avais voulu te dire que tu ne pensais pas à moi, j’aurais été une petite méchante, car je sais que tu y penses sans cesse. Ça aurait même été une très vilaine pensée.

Maintenant mon petit chéri, si tu juges que je mérite encore une punition, tu me l’infligeras toi-même, mais je sais que tu es bien trop bon pour le faire.

En espérant que ta santé est toujours bonne, je t’envoie mon mignon chéri les plus doux baisers de celle qui t’aime pour la vie,

Germaine

 

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