La gaffe

Paris, Le 17 Avril 1916

Mon petit Loulou chéri,

J’ai reçu ce matin ta mignonne lettre du 15 et ce soir celle du 16. A mon grand regret, je n’ai pu te répondre tantôt (j’ai été chez toi), cela m’ennuie beaucoup, car ma lettre ne partira que demain matin.

Figure-toi que j’ai fait une gaffe ou plutôt, que c’est à toi que je l’ai fait faire.

Je te disais l’autre jour que j’aimerais bien que ta permission tombe un jour de semaine. Tu devines pourquoi ? Et bien figure-toi que ce soir, c’est mon père qui a reçu ta lettre, je n’étais pas encore rentrée de chez toi. Bien entendu, il ne l’avait pas ouvert, mais en rentrant, j’ai bien été forcée de lui montrer, et lorsqu’il a vu “Je m’arrangerai de manière à ce que ma permission tombe un jour de semaine”, il s’est mis en colère, soit disant que c’était moi qui avait du te le demander et que je devais bien savoir que la semaine, il n’était pas libre.

Bien sûr que je le savais, c’est pas pour autre chose que je te l’avais demandé. C’est malheureux tout de même de ne pas pouvoir être libre un instant ! Enfin, voila ce que je voulais te demander pour réparer un peu ma gaffe. D’abord, me dire si tu viendras pour le 2 Mai ? Ensuite, tu m’écriras ceci : “Ma permission tombera surement un jour de semaine, sans doute juste un mois après mon incorporation, mais ça m’est égal, un jour de semaine vaut bien un Dimanche.” Ou quelque chose dans ce goût, tu comprends, je montrerai ça à mon père. C’est agaçant, de quoi qu’il se mêle, je me le demande ! Ah ! Quand donc que ce sera à mon petit Loulou que j’aurai à rendre compte de mes actes ! Au moins là, ce n’est pas la liberté que je réclamerai ! Loin de là !

17-04-16

Enfin, ne parlons plus de ça, car ça me met les nerfs en pelote. J’aime mieux te parler de ta délicieuse lettre que j’ai reçu ce matin, c’est beaucoup plus doux.

La confession de mes défauts sera je crois des plus douces avec une pareille pénitence. N’aie crainte, je saurai en trouver beaucoup. Mais je ne trouve pas très juste que la tienne soit double, enfin, je te l’accorde. Du reste, je ne me ferai pas prier pour te la donner. Puisque tu es si gourmand, je me charge de contenter ton défaut qui à mon avis n’en est pas un. Tant qu’à tes caresses en réserve, je voudrais bien avoir le bonheur d’y puiser bientôt !!!

En espérant que ta santé est toujours bonne, je termine en t’envoyant mon petit chéri tout mon amour dans un long baiser.

Celle qui t’adore,

Germaine

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