Frayeur bleue

Paris, Le 15 Avril 1916

Mon petit Loulou chéri,

Je t’ai déjà écrit un petit mot cet après-midi, mais il était bien court à mon idée, j’étais un peu pressée, aussi, ce soir, je viens bavarder avec toi.

J’ai reçu avec plaisir ta bonne lettre du 14. Je ne comprends pas, tu me dis que tes dernières lettres ont du me donner le cafard, tu te trompes. Je ne me souviens pas avoir possédé cette vilaine bête depuis longtemps. Depuis que tu es revenu du front, elle m’a complètement quitté. Je ne vois pas en quoi tu aurais pu me le donner. Tes lettres sont toujours si gentilles !

Je ne me souviens pas t’avoir écrit une lettre triste. Je n’ai aucune raison pour l’être ! La seule chose qui m’ennuie en ce moment, c’est de ne pouvoir être près de toi, mais ce n’est pas pour ça que je dois avoir le cafard. Tu t’es trompé mon chéri, et tu t’es désolé à tort.

L’idée de me voir reconduire à Paris en aéro est loin de me déplaire, rien que pour ça, je tenterais bien le coup. C’est très drôle, lorsque j’ai su que tu allais rentrer dans l’aviation, j’ai eu une frayeur bleue. Toi, aviateur, il me semblait que je ne pourrais pas le digérer. Et maintenant, mes idées sont complètement changées. Je ne vois plus le danger que je voyais avant. En un mot, cela me plait. Maintenant il me semble même que je n’aurais pas peur du tout si tu m’emmenais.

Aussi, c’est pour ça que je te disais que cela serait loin de me déplaire de me voir reconduire à Paris de cette manière. Mais je ne crois pas que ce soit pour tout de suite ! D’ailleurs, je ne suis pas encore partie, malgré que l’envie ne me manque pas.

C’est encore demain Dimanche. Quel cauchemar ! Enfin, j’espère que le suivant, nous le passerons ensemble. Je fais plus qu’espérer, j’y compte même. Je commence à compter les jours. Si nous y allons, nous partirons le Samedi matin pour arriver dans l’après-midi, donc dans huit jours, à cette heure, nous serions ensemble. Quel bonheur ! Mais il faut encore un peu de patience, sachons donc patienter malgré que ce soit très difficile.

En espérant que ma lettre te trouvera en bonne santé et avec un meilleur temps, je termine en t’envoyant mon chéri, les baisers bien doux de ta petite

Germaine

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