Les barbes des poilus

Paris, Le 8 Mars 1916

Mon petit Loulou chéri,

Je viens de recevoir ta gentille carte du 28 qui m’a fait grand plaisir. Petit à petit, les nouvelles reviennent, mais ce ne sont pas des nouvelles fraîches. Tu me demandes si je reçois tes lettres ? Oui, mais avec beaucoup de retard. Tu peux en juger par la date de ta carte reçue ce matin. J’espère que tu ne restes pas sans nouvelles de moi ? Tu me dis que tu attends ta participation à la fête. Tu me fais trembler. Cette nouvelle bataille est bien terrible d’après les journaux. Aussi, à l’idée que tu peux être mêlé à cette fournaise, cela me fait frémir.

D’après des dires, cette bataille est la dernière que nous aurons. C’est elle qui nous apportera la paix. Si seulement c’était vrai. La date marquant la fin des hostilités est pour le 12 ou le 13 Juin. Plus que 3 mois, cela est trop beau pour être vrai. S’il fallait croire à tous les on-dit, on en finirait plus.

As-tu seulement beau temps ? Ici, après plusieurs jours de neige et de pluie, le temps s’est enfin décidé à se mettre au beau. Cet après-midi, le soleil a fait son apparition, on se serait crû au printemps.

J’ai vu Madeleine tantôt. La permission de Robert Sut a été reculée à plus tard. Aussi était-elle fort mécontente ! Ce qui m’a amusé, c’est qu’elle m’a raconté (pour changer) que tous les soldats porteurs de barbe sur le front avaient été obligés de la faire couper. Aussi, comme Robert est du nombre, elle est désolée. Il n’y a pourtant pas de quoi. Il est vrai que chacun ses goûts.

barbier-campement

J’espère que ma lettre te trouvera toujours bien portant. Dans cet espoir, je t’envoie mon Loulou adoré les baisers les plus tendres de ta petite fiancée qui t’adore,

Germaine

 

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