Dormir sur le parquet

Paris, Le 17 Février 1916

Mon petit Loulou chéri,

Comme tu me l’avais promis sur ta petite carte d’hier, j’ai reçu ce matin ta gentille lettre du 14, qui m’a fait comme toutes tes gentilles lettres grand plaisir.

JO-128-fev-1916

Ton repos me paraît des plus plaisants. Si tu as loué une maison, il me semble à mon idée que cela doit être un peu grand pour toi et qu’il y aurait bien une petite place pour moi. Pour aller passer mes vacances cet été, l’endroit ne me déplairait pas. Ne trouves-tu pas mon idée bonne ? Moi, je la trouve délicieuse. Ce qui est agaçant, c’est s’il manque des lits. La pensée de coucher sur le parquet n’a rien de réjouissant, mais puisque tu as l’air de vanter cette nouvelle mode, je veux bien te croire et j’essaierai même avec plaisir. Ça a son bon côté, on ne perd pas son temps à faire son lit, c’est déjà quelque chose. Mais je crains fort, malgré que tu sois entièrement de mon avis, que ce beau projet ne puisse être mis à exécution. C’est malheureux, car cette perspective est loin de me déplaire. Te voir tous les huit jours, cela serait charmant.

Tu me dis que tu aurais voulu être affligé de mon mal de dents. Tu es vraiment trop bon mon petit chéri ! Moi je préfère qu’il se soit acharné après moi, tu as déjà assez à souffrir sans avoir ça. Moi, tu comprends, j’ai que ça à faire de me soigner. Tandis que toi, c’est autre chose. Mais console-toi, il est complètement passé. Il m’a fait beaucoup souffrir, ça j’en conviens, mais un mal de dent n’est pas une maladie dont on meure. Donc ce n’est pas bien inquiétant. Maintenant, je me porte très bien. Mon père ne se ressent pas de sa crise, aussi je n’ai plus d’inquiétude à son sujet.

J’ai vu Madeleine aujourd’hui. Elle m’a annoncé la prochaine permission de Robert Sut, pour le commencement de Mars. Ça fera exactement 5 mois d’intervalle avec sa première, c’est donc comme toi. A quand ta troisième permission ?

17-02-16

J’espère que ma lettre te trouvera en parfaite santé. Dans cet espoir, je termine mon Loulou adoré en t’envoyant des millions de doux baisers de ta petite

Germaine

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