Paris, Le 3 Février 1916

Petit Loulou chéri,

Je viens de recevoir à l’instant tes deux gentilles lettres du 2. Cela tient du prodige, un jour à me parvenir, c’est la première fois. Avoir des nouvelles écrites la veille, cela me semble tout drôle, c’est si rare. Je voudrais bien que ça se renouvelle souvent.

Tu me dis avoir reçu la photo que je t’ai envoyé, mais pas en très bon état puisque l’enveloppe était déchirée. As-tu reçu la lettre qui y était jointe ? Je ne crois pas, car tu ne m’en parles pas du tout. De plus, je te demandais s’il fallait t’en envoyer d’autres ? Tu ne m’as pas répondu. Je te demandais encore s’il fallait en donner une à tes parents. Pas de réponse non plus.

Pour cette dernière question, je n’ai pas attendu ta réponse pour le faire. Il paraîtrait que lorsque ton père a été chercher tes épreuves, il aurait demandé à l’employée de lui faire voir nos photos. Comme celle-ci n’était pas au courant, elle n’a pu satisfaire sa curiosité. Lorsque j’y suis retournée, elle m’a dit ce qui précède, car elle t’avait reconnu sur l’autre photo. Donc, Lundi dernier, j’en ai porté une à tes parents. Ta mère était très contente. Elle trouve que tu es mieux réussi que moi. Tant qu’à ton père, il nous préfère nature que sur cette photo. Ai-je bien fait d’en donner une ?

Tu me dis que tu avais légèrement le cafard, lorsque tu as reçu la photo. J’espère qu’il est passé pour longtemps. Je comprends qu’en pensant au mois dernier, à la même date, tu l’aies un peu. Console-toi, il parait que la guerre ne peut pas durer plus de six mois. D’ailleurs j’espère bien te revoir avant. Comme il y avait cinq mois d’intervalle entre ta première et ta seconde permission, tu dois sans doute revenir une troisième fois dans quatre mois, soit fin juin ou commencement juillet.

J’espère que ma lettre ne te trouvera pas sous l’emprise du cafard. Dans cet espoir et en attendant de tes bonnes nouvelles, reçois mon Loulou chéri les meilleurs baisers de ta fiancée qui t’adore,

Germaine