Retour de la Gare de l’Est

3h1/2, Paris, Le 4 Janvier 1916

Mon cher petit Loulou,

Je rentre à l’instant de la gare de l’Est. Tes parents ont eu la bonté de me reconduire jusqu’à ma maison. Heureusement, car je ne sais ce que je serais devenue dans la rue, je suis tant désolée !

gare est

Maintenant, mon pauvre petit chéri, je suis toute seule. Comme la maison me parait triste et vide sans toi ! Nous y avons passé de si bons moments ! Je n’ai pas le courage de me mettre à quelque chose. C’est encore près de toi que je viens me consoler. Maigre consolation ! car je n’ai pas beaucoup d’idée à écrire. Comme ils ont passé vite ces quelques jours ! J’en suis toute stupéfaite. Il me seble que tu vas encore venir et que je vais aller t’ouvrir la porte. Mais non, c’est fini, et pour longtemps. Plus pouvoir être dans tes bras, plus pouvoir t’embrasser comme cela va être dur !!! Je me trouve si délicieusement bien près de toi. Avec toi, tout n’est que bonheur autour de moi, sans toi, c’est l’affreuse tristesse. Il me semble que toi parti, c’est comme s’il me manquait de l’air pour respirer. Je suis en train de regarder la place que tu occupais ce matin. Malgré moi, mon coeur se gonfle et je suis obligée de pleurer en pensant aux petites taquineries que tu t’amusais à me faire subir (Je n’appelle pas des taquineries de si douces caresses).

Toi mon pauvre chéri, tu dois en ce moment t’éloigner de Paris. Notre beau rêve est terminé. Nous sommes encore séparés !

Je vais terminer ma lettre car je ne suis pas assez maîtresse de moi et mes larmes m’empêchent d’écrire. J’espère que tu excuseras le griffonnage d’une pauvre désolée. Je te dis encore au revoir et je termine mon petit chéri en t’envoyant tout ce qu’une lettre peut contenir de baisers (c’est bien maigre à coté de ce matin).

Celle qui t’aime de plus de plus,

Germaine

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