On ne peut plus dormir tranquille

Paris, Le 31 Janvier 1916

Mon cher petit Loulou,

Je viens de recevoir ta gentille lettre du 29 m’annonçant que tu es au repos. Cet après-midi, j’ai été chez toi, et justement au moment que j’y étais, on a apporté une lettre de toi. Aussi je me doutais bien qu’en rentrant il y en aurait une aussi pour moi.

Tes parents ont du te dire qu’une des bombes jetées par les Zeppelins est tombée tout près de chez toi, effondrant le tunnel du métro près de la station de Couronnes.

metroQuel bruit ils ont du entendre ! Nous qui avons si bien entendu. Il est vrai qu’à vol d’oiseau, nous ne sommes pas bien éloignés l’un de l’autre.

Ce qu’il y a de plus fort, c’est qu’ils sont encore revenus hier soir. Cela fait deux jours de suite. C’est agaçant, on ne peut plus dormir tranquille !!! Il est vrai qu’hier, je ne me suis pas fait de bile. Lorsque les pompiers sont passés donner l’alarme, j’étais couchée entrain de lire un roman très intéressant. Par mesure de sureté, je me suis relevée, mais j’ai continué à lire mon bouquin jusqu’à minuit moins le quart. Heure à laquelle les pompiers ont repassé avec leurs sonneries indiquant la fin de l’alerte. J’avais justement fini mon livre et j’étais contente d’aller me recoucher, car cela faisait deux nuits que nous ne dormions presque pas et je commençais à avoir envie de de dormir.

PP-31-01-16

Heureusement hier, ils n’ont pu pénétrer dans Paris, ils ont jeté quelques bombes sur la banlieue. Ils vont peut-être encore revenir ce soir ! Maintenant j’y suis habituée, tandis que le premier soir, j’étais pas très rassurée de voir mon père m’obligeant à descendre soi-disant dans la cave. Il m’avait fait un peu le trac.

Quand je repense, tu as dû t’amuser avec ma dernière lettre. Sur celle-là, c’était une vraie salade. Cela a dû te faire passer un bon moment à lire tout ce griffonnage.

J’espère que celui-ci te trouvera en bonne santé. Il me quitte avec encore le mal de dent, qu’est bien corsé. Tantôt le dentiste m’a enlevé un nerf de l’une d’elle et je t’assure que cette opération, quoique bien simple, fait bien souffrir. Je n’ai pas crié, aussi cela m’a valu des compliments sur mon courage et mon endurance. Aussi, j’en suis toute fière, car je ne croyais pas être si courageuse, c’est pour cela que je te les transcris.

En attendant de tes nouvelles, je t’envoie mon chéri mes plus tendres baisers,

Celle qui t’adore,

Germaine

 

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