Croix de guerre

Paris, le 11 Novembre 1915

Mon tendre chéri,

Avec quelle joie ! j’ai reçu ta mignonne lettre du 8. Tout d’abord, je n’ai regardé que la photo. Ce qui a pris pas mal de temps. Tu es, avec ce petit bonnet de police un vrai bijou. Je n’ai pas eu beaucoup de mal à te trouver. Pour ne pas changer de l’habitude, c’est encore toi le mieux. Tous tes camarades font de drôles de têtes, ainsi que ton sergent que j’ai reconnu. Lui seul est pas mal amusant. On dirait qu’il va perdre sa coiffure.

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Lucien est le 6e debout en partant de gauche

Après avoir regardé tous ces détails, je suis passée à la lettre. Mais alors j’ai cru devenir folle de joie en lisant que tu étais décoré de la croix de guerre. Le plaisir que j’ai éprouvé en regardant la photo n’était rien à coté de ce bonheur-là. Je suis encore sur le coup, c’est à peine si je puis réunir deux idées. Mon premier mouvement a été de déposer un tendre baiser sur ta nouvelle photo (pas un bien gros, car j’aurais eu peur d’effleurer un de tes camarades). Tu me dis que cette nouvelle me fera certainement plaisir. Tu ne t’es pas trompé mon petit chéri ! Qui, d’abord, ne serait pas heureuse à ma place ?

Quel bonheur pour moi d’avoir un fiancé comme toi ! Comme je suis fière de toi ! Si mon premier mouvement a été de te récompenser dans la mesure du possible, mon second m’a fait remarqué qu’à présent je suis bien petite auprès de toi. Pense, être cité à l’ordre du jour, ce n’est pas rien. Cela renferme un grand acte de bravoure. Et dire que ta modestie t’a poussé jusqu’à me cacher cet acte. Tu ne m’en avais jamais causé. Ce qui fait que si tu n’avais pas eu cette citation, je n’aurais jamais rien su.

citation

Tu es adorable !!! Tu es à croquer. Comment veux-tu que je ne t’aime pas de tout mon coeur et que je ne sois pas folle de toi après tout cela, c’est impossible. Il me semble que si j’étais auprès de toi, que je te presserais bien bien fort sur mon coeur en t’embrassant bien tendrement. Tu le mériterais bien, mais n’aies craintes, je ne l’oublierai pas sur notre vieille dette.

Cette citation est magnifique. Comme ces quelques lignes veulent dire beaucoup de choses pour moi. Elle est digne de toi. Elle ne m’étonne pas, tu es si brave ! Quand je pense que je te reverrai avec cette médaille sur la poitrine, j’en frémis d’orgueil.

Raconte-moi sur une prochaine lettre la remise de ta croix. Cela m’intéresse beaucoup. Comme je suis curieuse ! Ce soir, je suis bien excusable, je suis si heureuse, aussi j’espère mon mignon chéri que cela t’ennuiera pas.

J’ai reçu ta lettre en rentrant ce soir. C’est à dire qu’elle m’attendait. J’avais été voir Madeleine. Il était à peu près 6 heures et demi lorsque j’ai eu le plaisir de la lire. Je me suis mise bien vite à dîner et me voici qui te réponds. comme tu vois, je n’ai pas perdu de temps.

J’ai appris la grande nouvelle à mon père. Il en est tout heureux et te fait tous ses compliments.

Tu me dis que tu t’es fait tiré tout seul. J’attends avec impatience cette nouvelle photo. Quant à celle d’aujourd’hui, je la trouve très bien. Je suis très contente de connaitre tes camarades. Je voudrais bien savoir ce qu’est devenu le caporal qui était photographié avec toi et ton sergent. Je ne l’ai pas trouvé sur le groupe.

Je vois sur ta photo que ta santé est toujours bonne. J’espère que ma lettre te trouvera de même.

En attendant une nouvelle photo et une autre lettre, reçois mon petit Loulou aimé avec tous mes compliments mes plus doux baisers.

Ta petite fiancée si fière de t’aimer,

Germaine

 

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