Une permission pour régler notre dette

Paris, Le 14 Octobre 1915

Petit Loulou chéri,

J’ai reçu ce matin au premier courrier ta lettre du 11 qui m’a rassuré sur ton sort.

Tu me demandes des nouvelles de Robert Sut. J’ai justement eu le plaisir de passer l’après-midi avec Madeleine. Je lui ai donc demandé. Il va toujours très bien, à part qu’une dent de sagesse le fait assez souffrir (c’est Madeleine qui tient à ce détail). Son régiment est en Argonne. A quel endroit ? Madeleine n’en sait pas plus long.

C’est pareil que moi, je sais que tu es en Champagne, mais où ? C’est inconnu pour moi. Il attend toujours sa permission. Ce n’est pas encore pour à présent je crois. Ton idée de demander une permission pour régler notre dette est loin de me déplaire, mais comme tu dis, le motif paraîtra peut-être pas suffisant. Pourtant, cela ne serait pas à dédaigner, car tu sais malgré tout, je m’en veux toujours de ne pas avoir été à Paris lors de ta dernière permission.

Je m’en veux même beaucoup d’avoir perdu si bêtement six jours auprès de toi. Deux jours c’est trop court, c’est à peine le temps de se voir qu’il faut déjà se quitter. On a à peine le temps de se causer. J’ai un délicieux souvenir de ces deux jours, mais quel souvenir j’aurai eu s’il y en avait eu six autres encore. J’en ai encore mal au coeur. C’est dur à digérer. Au moins, en six jours on aurait pu donner un léger acompte à notre dette. Enfin, j’espère qu’elle sera un jour ou l’autre réglée.

En attendant de tes nouvelles et en te souhaitant une bonne santé, je t’envoie mon chéri mes plus doux baisers.

Germaine

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