Permission de Robert

Paris, Le 22 Octobre 1915

Petit chéri,

Une grande nouvelle a t’apprendre. Comme je te l’ai déjà dit, nous nous rencontrons avec Madeleine le Jeudi chez Madame Sut. Donc hier, j’y vais comme d’habitude. En arrivant, je trouve personne. Une dame me dit de monter et qu’est-ce que je vois : Robert Sut. Tu penses quelle surprise pour moi. J’en étais toute interloquée. C’est à peine si je pouvais lui adresser la parole. Enfin après être revenue de ma surprise, je lui ai été présenté. Quelle joie pour Madeleine et pour toute sa famille.

Il n’y avait que moi de triste. J’étais très heureuse du bonheur de Madeleine. Mais moi, j’étais toute seule. Comme je pensais à toi mon petit chéri et comme j’étais désolée. Pense quel serrement de coeur pour moi. Mets-toi à ma place. Le soir, cela a été plus fort que moi. Quelques mots dit à l’oreille par Madeleine m’on fait éclater. Et je me suis mise à pleurer. Elle ne savait que me dire : “Tu l’as eu ton Lucien, tu n’as rien à dire, chacun son tour”.

En effet, je ne trouvais pas à redire qu’elle voit Robert. Au contraire, j’étais très heureuse, mais elle ne comprenait pas que d’assister à son bonheur, cela me faisait envie. Comme je lui ai dit : j’aurais bien voulu te rencontrer lorsque j’étais avec Lucien, tu aurais vu si cela ne fait pas mal au coeur. Heureusement que Robert Sut m’a remonté le moral. Il m’a raconté votre rencontre en Argonne, au Bel Abri. Il m’a dit que la guerre finirait bientôt. Cela, je n’y crois pas. Enfin tout un tas de choses pour me consoler.

Je voulais t’écrire hier au soir en rentrant, mais tu m’excuseras, j’étais trop triste et j’avais peur de t’attrister. La seule consolation que j’ai eu, c’est ta gentille carte du 18. Mais comme tu dois être occupé, mon pauvre chéri pour que je sois privée d’une longue lettre.

Enfin aujourd’hui je suis moins triste. Je me suis bien promise de ne pas retourner voir Madeleine tant que Robert sera là. Je l’avais prévenue à l’avance que lorsque Robert viendrait, je n’irai pas la voir. Mais comme je n’étais pas prévenue de son arrivée, j’ai été mise à l’épreuve.

J’espère que tu es toujours en bonne santé. En attendant de tes nouvelles, reçois mon bien aimé mille doux baisers de celle qui t’aime tendrement,

Germaine

 

Creative Commons License