Pénurie de pièces

Paris, Le 28 Octobre 1915

Mon chéri,

Voici plusieurs jours que je suis privée de tes gentilles lettres. J’espère malgré tout que ta santé est toujours bonne.

J’ai revu Madeleine aujourd’hui. Robert Sut était reparti depuis Lundi 25. Aussi, elle était encore sur le coup de la séparation. La journée n’a pas été gaie.

A part cela, pas grand chose à te dire. Si ce n’est que les journées sont bien longues, le temps affreusement triste et que je m’ennuie un peu.

En ce moment, comme nouveauté, il y a à Paris une grande pénurie de sous et de pièces. Aussi, les commerçants pour remédier à ce manque de monnaie, n’ont rien trouvé de mieux que de rendre des timbres postaux. Vois d’ici si c’est charmant. Au bout d’une journée, tu peux te trouver à la tête de 2 ou 3 francs en timbres, ce qui est fort gênant. Les malheureux timbres, je voudrais que tu les vois. A force d’aller de main en main, ils sont fripés, salis, méconnaissables et impossible de s’en servir pour affranchir une lettre. Voici la jolie nouveauté. Comment la trouves-tu ?

figaro25-10-15

J’espère que le courrier de demain m’apportera de bonnes nouvelles de mon petit Loulou. C’est dans cet espoir que je te quitte en t’envoyant mon chéri mes plus doux baisers de celle qui t’aime,

Germaine

Creative Commons License