Gaz asphyxiants

Paris, Le 7 Octobre 1915

Mon pauvre mignon,

J’ai reçu hier trois lettres de toi. Pense à ma joie, moi qui étais sans nouvelles depuis plusieurs jours. Si j’étais joyeuse en les recevant, il n’était pas de même lorsque je les ai eu lu. Mon pauvre petit chéri, qui est si gentil et qui était presque asphyxié ! J’en ai pleuré de rage. Oh ! les maudits boches ! Comme je les hais. Tout ce que mon coeur contient de haine est pour eux. Si j’en tenais un, je crois qu’il passerait un mauvais quart d’heure. Je crois même que je deviendrais cruelle. Malheureusement il me sera sans doute jamais permis d’user de ma haine. Si je pouvais les faire souffrir autant qu’ils t’ont fait souffrir, je t’assure que cela serait de l’ouvrage bien fait.

 

Mon petit Loulou, j’espère que tu n’as plus à souffrir de ces maudits gaz asphyxiants et qu’une prochaine lettre va bien vite me rassurer. Je suis très inquiète. J’espère aussi que désormais tu seras plus tranquille. Je le souhaite de tout mon coeur.

Dans ta seconde lettre du 3, tu m’envoies un numéro de la tombola que tu as trouvé dans une pochette. Je suis très contente que mon choix t’aie si bien favorisé. Comme tous les détenteurs de pochettes doivent porter leur nom et leur adresse au siège social, en me faisant inscrire, je joindrai ton numéro que je ferai mettre à ton nom. tant qu’au lot, je te l’enverrai.

J’ai vu Madeleine aujourd’hui. Elle se plaignait pour changer. A présent, c’est son habitude. Nous avons été faire plusieurs courses ensemble. Elle m’a prié de te souhaiter le bonjour.

Dans ta dernière lettre, tu as de nouveau augmenté notre dette de deux baisers. A ma grande joie ! Mais je crois que tu les mérites mieux que moi. Le mal que je me suis donné pour la quête est bien petit, à coté de tout ce que tu as enduré ces temps derniers. Aussi, il me semble que tu en mérites beaucoup. Au moins une vingtaine, toujours à porter sur notre vieille dette, puisqu’il m’est impossible de le faire.

En espérant que cette lettre te trouvera en bonne santé, je t’envoie mon amour un nuage de baisers (pas suffocants).

Ta petite fiancée qui t’aime bien fort,

Germaine

07-10-15

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