Vélo au bois

Paris, Le 11 Aout 1915

Mon petit chéri,

J’ai reçu hier tes deux gentilles lettres, celles du 5 et 7. Tu m’apprends que tu as retrouvé tes lignes et que tu es maintenant au bois Bouchot. Tu es donc redescendu vers St Mihiel. Cet endroit doit être assez tranquille car jamais les communiqués n’en parlent. Il ne doit pas faire très chaud puisque tu es dans un bois. Ici la température est des plus élevées, il n’y a pour ainsi dire pas d’air. Malgré tout, je supporte assez bien cette chaleur. Cela ne vaut pas l’air pur de St Quay. Je suis tout de même contente d’être rentrée.

J’étais très contente de partir (la première fois) et je suis aussi contente d’être revenue. J’ai décidé d’aller tous les matins de 7 heures à 9 heures au bois avec ma bicyclette. Cela me distraira et me fera prendre l’air et me rappellera mes promenades de St Quay.

Comme distraction en ce moment, je n’en ai aucune. Toutes les personnes de ma connaissance ont quitté Paris et je reste tous les jours seule à la maison. Depuis que je suis rentrée, je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer car j’avais fort à faire, maintenant cela me semble long. Je passe mon temps à chercher des pensées que j’inscris sur un carnet pour mieux dire, je suis un peu avec toi et près de toi (en pensées).

Tu me dis dans ton autre lettre que tu as reçu mes photos. Tu es la seule personne qui sur cette photo me trouve bien. Tu es indulgent en disant que je souris. Je trouve que je ris même largement. Le principale, c’est qu’elle t’aie fait plaisir, cela me suffit.

J’en ai d’autres à t’envoyer. J’ai été prise par une autre jeune fille, qui doit me les envoyer prochainement. Il y en a trois différentes. Je voudrais bien que ces trois photos soient bien réussies car elles t’amuseraient rien que par les poses. Il y en a une où je fais le salut militaire ; une autre où je suis dans une grotte et la dernière dans une petite mare dans les rochers. J’ignore le moment où je les aurai, mais aussitôt reçues, elles te seront envoyées.

J’ai reçu, c’est à dire mon père, une carte de Marcel, nous disant qu’il viendrait nous voir un de ces dimanches. Il nous fait des compliments sur le choix de la carte que nous lui avions envoyé et dit que je dois être pour quelque chose dans ce choix. Il ne s’est pas trompé. L’aéroplane Cécel était de mon invention.

J’espère que tu es toujours en bonne santé. Chez nous, cela va assez bien, mon père est maintenant remis de ses malaises.

Moi à part un coup de soleil et ma peau couleur citron, je me porte toujours très bien.

En attendant de tes nouvelles, je t’envoie mon petit Loulou aimé mille de mes plus tendres baisers.

Celle qui t’aime pour la vie,

Germaine

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