Photo au téléphone

Paris, Le 24 Août 1915

Mon Loulou adoré,

Je viens de recevoir tes deux lettres contenant tes photos. Aussi, je suis au comble de la joie. Figure-toi qu’hier au soir, je descendais mettre ta lettre à la poste, lorsque arrivée en bas, la concierge me remet tes deux lettres, celle du 19 contenant une épreuve et celle du 20 en contenant trois.

Je suis presque restée pétrifiée sur le trottoir, tellement j’étais heureuse. Cette photo, où tu es à l’appareil est tellement ressemblante, c’est tout à fait toi. Et je suis restée ainsi au moins dix minutes à t’admirer et à te sourire. Je me suis aperçue après que j’étais dans la rue. Les gens ont dû se payer ma tête, cela m’est bien indifférent.

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Quelle différence avec la photo de Paris ! Là au moins tu as l’air plus gai. Et puis c’est si bien toi. C’est même si bien toi qu’en te regardant au verre grossissant, j’ai des envies folles de te prendre par le cou et de t’embrasser. Depuis hier soir, je ne cesse de te regarder, surtout celle-là, c’est ma préférée.

Les autres ne sont pas mal, mais elles ne valent pas mon Loulou au téléphone. Celle où tu es avec tes hommes est très intéressante, tu es sur celle-là très amusant, tu fais des petits yeux tout plein drôles.

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Tant qu’à celle au poste d’écoute, elle ne me sourit guère (toi seul me souris). Elle me montre le danger de trop près !

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Je fais tous mes compliments à celui qui t’a tiré. C’est la première photo où tu es si bien reproduit. Je crois qu’à présent, je possède autant de photos que toi, six. Tu as dû recevoir trois autres photos de moi, mais elles sont si petites que je ne les compte pas.

Ma préférée est tellement claire et bien faite que j’ai pu lire l’heure à ta montre. Si je ne me trompe pas, il était 11 heures moins dix lorsque cette photo a été prise. J’en ai rêvé cette nuit et je t’assure que c’était de beaux rêves tout roses.

montre

Je vois que tu es toujours en bonne santé et j’espère qu’il en est toujours de même.

Quant à moi, je ne ferai plus de bicyclette dans Paris. Les pavés ne sont plus mes amis. Aujourd’hui, j’ai un superbe point de côté, résultat de ma promenade d’hier. Donc tu peux être tranquille pour moi.

En attendant de tes bonnes nouvelles, je t’envoie mon petit Loulou chéri de bien doux baisers,

Ton aimante,

Germaine

La pensée est le miroir où nous regardons les absents

L’espérance est l’emprunt fait au bonheur

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