Mon père a bien mauvais caractère

Paris, Le 30 Août 1915

Mon Loulou chéri,

J’ai reçu ce matin ta lettre du 24 contenant une nouvelle photo.

Tu es, mon petit chéri délicieusement bien. Ce n’est pas pour dire, mais c’est toi le plus gentil. On croirait à vous voir tous trois que vous allez faire un tour sur les boulevards avec vos cannes. Qu’est-ce que c’est que ces huttes qui sont derrière vous ? Est-ce de ta fabrication ? En tout cas que de verdure dans ce coin.

Je t’ai dis qu’on devait voir Marcel hier Dimanche. La journée s’est assez bien passée. Mais à très mal fini pour moi. Figure-toi que Marcel a quatre jours de permission. Il m’avait demandé si je voulais faire une partie de bicyclette un de ces matins. Comme je lui avais dit que j’allais au bois le matin, il croyait bien faire en me disant cela.

Mais voilà que ce n’a pas plu à mon père qui lui a fait la tête. Vois d’ici comme j’étais embêtée. Cela n’était rien. Lorsque nous avons été rentré, qu’est-ce que j’ai pris. Cela n’était pas de ma faute.

Ce n’est pas pour dire, mais mon pauvre chéri, mon père a bien mauvais caractère. Par moment, il ne saura que faire pour me faire plaisir et à d’autres, il est constamment en colère après moi. Je ne suis pas tous les jours à la noce. La preuve, hier au soir, j’ai entendu des choses qui ont été loin de me faire plaisir. Il a été jusqu’à me reprocher notre voyage à Paris.

Comme je m’ennuie aujourd’hui ! Heureusement que j’ai reçu ta photo, cela a été une petite consolation. Depuis ce matin, nous ne nous sommes pas adressés la parole, même pas bonjour. Tout de même, est-ce de ma faute si Marcel lui a demandé de faire une partie de bicyclette ? Ce n’est pas plus de sa faute à lui ce pauvre garçon. Je ne lui en veux pas. Mais quand on a mauvais caractère, on prend tout au mal, c’est ce qui lui arrive souvent.

Je viens d’écrire un petit mot à Marcel le priant de m’excuser, car je ne pouvais accepter son invitation. Je lui ai dit aussi que de te savoir en danger, je n’avais pas le coeur à m’amuser.

Il m’a dit hier qu’il irait chez toi, voir ton frère.

Je ne vois plus rien à te dire, si ce n’est que je m’ennuie beaucoup.

En attendant une gentille lettre de toi, qui me consolera surement, je t’envoie mon petit Loulou adoré mes plus tendres baisers.

Celle qui t’aime pour la vie,

Germaine

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