Les enfants jouent aux tranchées à la plage

St Quay, Le 13 juillet 1915

Mon Petit Chéri,

Je viens de recevoir ta lettre du 8, c’est la première que j’ai depuis mon arrivée. Pauvre chéri tu es désolé et cela par ma faute. Mais tu n’as donc pas reçu ma lettre dans laquelle je te disais que si tu as une permission, mon père me donnait la permission de rentrer à Paris. Crois-tu que je serai partie à la légère sans être assurée de te voir en cas que tu viennes à Paris ? Console-toi mon petit amour, si tu viens, je te verrai et à cette pensée je suis folle de joie.

Je te le répète encore dans cette lettre lorsque ta permission te sera accordé envoye-moi un télégramme aussitôt reçu je prends le premier train pour Paris. Tu vois, tu n’as rien à craindre. Ne te décourage pas bon petit chéri, je serai toute désolée si je savais cela. Ce n’est pas de ma faute si je suis si loin de toi. Il ne serait dépendu que de moi nous serions aller aux alentours de Paris.

Ici, ne crois pas que je vais m’amuser, je n’ai plus de cœur puisqu’il est entièrement à toi. Je vais occuper mon temps à t’écrire le plus souvent possible, le reste de mon temps je l’emploierai à faire du vélo car cette année j’en ai un à moi qui marche excessivement bien. Ce matin, j’ai déjà été visiter les environs. Quel joli point de vue on a sur les falaises. Ici c’est une suite de plages, les unes encaissées dans les rochers, les autres de sable fin.

Il y a aussi des cabines, c’est dans l’une d’elles que je t’écris. Elle porte comme nom Les Monettes. Si elle n’avait pas été baptisé ainsi, je l’aurai appelé Le Bel Abri en souvenir de ton gourbi d’Argonne.

hotel

Nous habitons une gentille maison qui forme hôtel mais c’est plutôt une pension de famille. Elle est enfouie dans la verdure et dans les arbres car ici cela ne manque pas. La campagne est superbe mais pour aller en vélo ce n’est que des collines et plateaux. Il n’y a pas beaucoup de monde. Il y a plus de blessés et sur la plage on les voit étendus dans le sable. Au moins ceux-là sont heureux !

Mon père va un peu mieux, mon séjour ici durera sans doute jusqu’à la fin d’août. Les enfants ici s’amusent à faire des tranchées dans le sable.

Je voudrais être à ce soir pour avoir une lettre de toi. Ici, il y a deux distributions par jour une à 11 heures et une à 20 heures. J’espère que dans ta lettre tu seras moins désolé car je le suis moi-même. Donc n’oublie pas que je serai à Paris aussitôt ton télégramme. Es-tu content ?

Je me dépêche de terminer ma lettre car il faut qu’elle parte par le train. En espérant que cette lettre te donnera beaucoup de courage. Je t’envoie mon petit chéri une foule de baisers.

Ta petite fiancée qui t’adore,

Germaine
Hotel central
St Quay
Côtes du Nord

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