Saint-Quay-Portrieux

Paris, Le 8 Juillet 1915

Petit chéri,

J’ai reçu hier au soir ta gentille lettre du 3 qui m’a complètement rassuré sur ton sort, puisque je te sais au repos. Je n’ai plus beaucoup de lettres à recevoir de toi à Paris. Nous partons Lundi 12, cela fait donc encore quatre jours, donc j’espère encore 2 lettres de toi.

Mon père va un peu mieux, il commence à sortir. Le docteur lui a dit de se reposer un mois 1/2. Moi je ferai tout mon possible pour que l’on revienne au bout d’un mois. Maintenant que je sais que l’on va accorder des permissions aux soldats du front, je ne vis plus, rien que de me sentir éloignée de Paris. Si dans le cas contraire tu n’as pas de permission ou dans un mois ou deux, je ne presserai pas le retour.

L’endroit de notre résidence sera, à moins que l’on change d’idée, Saint-Quay-Portrieux dans les Côtes du Nord. Cela se trouve un peu en dessous de Paimpol et au dessus de St Brieuc. Vois encore 500 kilomètres qui vont nous séparer. A te dire franchement, cela ne me dit rien du tout, j’y vais parce qu’il faut y aller. Cela ne tiendrait que de moi, je ne serais pas partie si loin. Qu’est-ce que je vais avoir comme amusement ? Le vélo, et c’est tout.

Heureusement que j’aurai une jeune fille que je connais. Mais elle n’est pas de mon âge, 26, c’est déjà plus les mêmes idées que moi. De plus, je ne l’aime pas beaucoup. Enfin, j’espère bien passer mon temps à écrire à mon petit Loulou de longues lettres, lui disant tout ce que je ferai et en lui décrivant le pays qui est parait-il excessivement joli. Pour mon adresse, je te l’enverrai aussitôt arrivée.

Je vais voir Madeleine aujourd’hui pour la dernière fois. Aussi, quelles bavardes nous allons faire !

En attendant un gentil mot de toi, je t’envoie mon petit chéri, mille de mes plus doux baisers.

Celle qui t’adore,

Germaine

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