Gentilles petites fleurs

myosotis-tissus

Paris, Le 26 Juin 1915

Mon Loulou chéri,

Voici deux jours que je n’ai pas trouvé une minute de libre pour t’écrire. Tu vas te demander que fait-elle donc ? Voilà. Avant hier, j’ai passé la journée avec Madeleine. Chaque fois que l’on se voit, il n’y a jamais moyen de se quitter. Je dis toujours : ” Je m’en irai à 5 heures”, et en définitif, je suis encore avec elle quand 6h1/2  sonnent. Le soir en rentrant, j’ai eu le plaisir de trouver une lettre de toi qui m’attendait. Je m’étais promis d’y répondre le lendemain mais figure-toi qu’hier, j’ai été garnir des corbeilles pour les quêteuses de l’orphelinat des armées. Cette dame qui était avec moi à Cayeux dirige un arrondissement, aussi elle m’avait demandé de venir l’aider. Je suis rentrée que le soir à 11h moins le quart, tu vois d’ici quel travail. Heureusement que mon père était venu dîner avec nous, tout était éteint pour rentrer. C’est tout juste si l’on ne se jette pas dans les boites aux ordures. Tu vois d’ici le plaisir.

Les petites fleurs que nous vendrons demain sont très gentilles, vois plutôt d’après celles que je t’envoie. Il y a aussi des médailles, mais elles ne sont pas de bon goût, aussi je me dispense de t’en envoyer.

Je suis donc rentrée hier soir assez fatiguée, mais figure-toi mon petit chéri qu’il y avait encore une lettre de toi qui m’attendait. Aussi toute fatigue a bien vite disparu. C’est même très drôle, je n’avais plus envie de dormir. Il faut te dire que ta lettre du 22 était excessivement gentille. D’abord, elles sont toujours gentilles, mais celle-ci m’a beaucoup plu. La perspective de recevoir mille douces caresses et tes meilleurs baisers ne pouvait-elle pas m’enlever toute fatigue ?

Tu me dis que tu crois que j’ai le cafard. Ma foi non, je ne sais pas où tu as trouvé cette idée. Si je l’ai eu, je ne l’ai plus, ta lettre me l’a enlevé. D’ailleurs, il faudrait qu’il soit bien gros pour prendre de l’empire sur moi, sachant comme tu m’aimes, cela est impossible.

J’espère que tu es en bonne santé, moi je vais toujours très bien. En attendant tes gentilles lettres, je t’embrasse bien tendrement.

Ta petite fiancée qui t’adore,

Germaine

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