Coiffure

Paris, Le 21 Mai 1915

Petit chéri,

J’ai reçu ta lettre du 15 avant hier sir, je t’aurai bien répondu hier, mais j’avais Madeleine toute la journée avec sa soeur. Nous avons bavardé du matin au soir, ce qui fait que je n’ai pas trouvé une minute pour t’écrire. Je m’empresse aujourd’hui à répondre à ta mignonne lettre. La perspective de voir la guerre 44 ans est loin de me plaire. S’il fallait croire à cela, je ne suis pas encore prête à te revoir. Nous serons, il me semble, bien changés. De plus, nous ne nous verrons pas longtemps, puisque tous les 44 ans il y aura 6 mois de paix.

Comme il est plus probable que nous ne verrons pas deux fois quarante quatre ans, nous aurons donc que 6 mois à vivre ensemble. Merci ! ce n’est pas là l’objet de mes rêves. Moi, je ne désespère pas de te revoir cette année.

Si l’Italie entrait en guerre, il me semble que nous ne serions pas long à les repousser. C’est elle qui me fait beaucoup espérer.

Au sujet de ton tapis de table, j’ai envie d’enlever le drapeau qu’il y a sur notre balcon pour le mettre sur la table chez nous. Je ne crois pas que cette nouvelle mode plaira beaucoup car mon pauvre drapeau est bien malade. Pense depuis le mois d’Aout qu’il est à tous les vents. Les gens qui viendraient à la maison me prendraient sans doute pour une folle. Je préfère le laisser jusqu’à ton retour, là, je le remplacerai par un neuf en signe de victoire.

Balcon de chez les Bertin
Balcon de chez les Bertin

J’ai passé une très bonne journée hier avec Madeleine, tu as été le témoin d’une petite scène, c’est à dire ta photo. Madeleine avait eu l’invention de me faire changer de coiffure, comme cette dernière ne me plaisait pas, Madeleine se moquait de moi.  Je t’avais pris à témoin et comme nous nous trouvions juste devant ta photo, je t’ai demandé ton avis. Mais figure-toi que Madeleine a profité que j’étais occupée à te causer pour m’ébouriffer comme une vrai tête de loup. A son grand plaisir et à celui de sa soeur. Quelles gosses nous faisons !

J’ai un bonjour à te souhaiter de sa part.

J’espère que tu es toujours en bonne santé. Moi, je me porte très bien. Je t’envoie mon petit chéri mes plus doux baisers.

Celle qui t’aime,

Germaine

 

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