Quatre ans, c’est fou !

Paris, Le 30 Avril 1915

Mon petit Loulou chéri,

Je viens de recevoir deux lettres de toi, une du 25 et l’autre du 27. Dans la première tu es sans nouvelle de moi, mais dans la seconde tu viens de recevoir une lettre.

Je suis très heureuse que tu aies fait réponse aux questions que je t’avais posé. Je me doutais des réponses depuis longtemps, mais cela ne fait rien, tu as été bien cruel ce jour-là (un dimanche).

Il est vrai que cela m’importait peu de souffrir, puisque je me doutais que tu m’aimais, mais que de mal afin de me faire comprendre. Enfin tu m’as comprise, c’est ce que je voulais. Maintenant, je n’y pense même plus.

Quant à t’en vouloir de n’avoir pas causé le premier, tu peux être certain que non. D’abord tu es trop gentil et je t’aime trop pour pouvoir le faire.

J’espère que tu as quitté cette maison hantée, car je t’assure que je suis peu rassurée de te savoir là. J’ai une peur bleue que le toit vienne à s’effondrer un jour ou l’autre.

J’ai vu Madeleine hier. Robert Sut est aux Eparges. Vous êtes toujours près l’un de l’autre.

Nous avons beaucoup causé de vous deux, nous nous sommes presque disputées avec un Monsieur qui prétendait que la guerre durerait quatre ans. On voit bien que celui-là n’attend personne. Quatre ans, c’est fou ! J’espère bien qu’elle finira cette année. Toi, qu’en dis-tu ?

Enfin, ce qu’il y a de mieux à faire pour le moment, c’est d’attendre patiemment.

En espérant que ma lettre te trouvera en bonne santé, je t’envoie mon tendre chéri, mes meilleurs baisers,

Ta petit fiancée qui t’adore,

Germaine

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