Paris, Le 20 Avril 1915

Mon Loulou chéri

Je viens de recevoir ta gentille lettre du 10 qui m’a beaucoup amusé. La réception était cent fois plus amusante.

Je me suis traité d’idiote et de bête en veux-tu, en voilà. Je suis vraiment sotte de te faire chercher un langage de fleur puisque cette dernière doit t’arriver fanée et méconnaissable. Enfin, excuse ma sottise. Cette fleur s’appelle myosotis et veut dire : On ne vous oublie pas. Une autre fois, je mettrais le nom afin que je te donne moins de mal à chercher.

J’ai un petit doute sur un passage de ta lettre, un doute bien incertain mais qui m’oblige à te dire ceci. Tu prétends qu’après notre entrevue des aéros, tu étais complètement conquis, je le crois. Mais pourquoi certain Dimanche, voyant mon amour pour toi près d’être perdu à tout jamais (ce jour était la veille de ton départ), j’ai eu l’audace de le faire connaître et que toi (quelle heure cruelle et pénible j’ai vécu), tu n’avais pas l’air de me comprendre. Pourquoi ???

Pourquoi n’as-tu pas deviné de suite ? si tu étais si conquis. Pour avoir agi de cette manière, que tu as pu trouver très incorrecte de ma part, il fallait vraiment que je t’aime car je t’assure qu’en d’autres circonstances, je n’aurai rien dit. Mais voyant ton départ si proche, j’étais tellement malheureuse à l’idée que jamais je ne te reverrai, que j’ai préféré tout t’avouer. Si je n’avais rien dit, que serait-il arrivé ?

Enfin, ce qui s’est passé m’importe peu, puisque j’ai un amour qui égal le mien. Mon Loulou chéri m’aime de tout son coeur comme moi je l’aime. Je suis donc complètement heureuse, malheureusement cette maudite guerre nous a bien vite séparés. Enfin, j’ai tellement confiance en notre avenir, que tu as bien voulu me montrer si beau, que je suis encore heureuse rien que d’y penser.

En espérant que ma lettre te parviendras en bonne santé, je t’envoie mon Loulou bien aimé mille doux baisers, plus doux les uns les autres.

Ta petit fiancée qui attend ton retour avec grande impatience,

Germaine