Paris, Le 14 avril

Mon Loulou chéri,

Je viens de recevoir quatre lettres de toi. Tu penses quelle joie ! Elles m’apprennent toutes que tu es à Manheulles. Pauvre pays ! tu me dis qu’il est en ruines et c’est justement à 3 kilomètres de là que demeure ma nourrice. J’ai déjà été à Manheulles mais comme j’avais deux ans, je ne m’en souviens plus. Je suis très contente car tu trouves ce pays pas trop mal.

Quand j’étais petite, c’était pour moi magnifique, surtout qu’il y avait une foire tous les ans. Il m’est arrivé une drôle d’aventure dans ce patelin, j’ai failli être empoisonnée en mangeant des bonbons. Tu vois, c’est charmant.

Un jour, si tu entends parler ou si tu as l’occasion d’y passer, tu connaitras le joli patelin où j’ai été élevée : Haudiomont. C’est un peu à gauche de Manheulles, sur la route de Verdun.

J’ai reçu aussi dans une de tes lettres une deuxième photo qui m’a fait grand plaisir. Je vais pouvoir réaliser un de mes plus chers désirs. Te porter dans mon médaillon à mon cou avec ma photo de l’autre coté. Je crains que cette deuxième photo te fasse défaut. Elle avait l’air d’être collée après quelque chose ? En as-tu envoyé une à tes parents ? Je ne voudrais pas leur en priver.

J’ai vu Madeleine Dimanche, qui était rentrée de voyage la veille. Elle est venue me trouver de bonne heure. Elle est très inquiète car elle est sans nouvelle de son fiancé depuis 12 jours. De plus, Robert dans une de ses dernières lettres lui disait qu’il croyait partir en Orient. Tu vois d’ici la petite promenade. Je me mets facilement à la place de Madeleine, et je comprends son inquiétude, partir si loin.

Je lui ai dit que cette nouvelle devait être fausse puisque toi qui est de la même brigade, tu te trouves près de Verdun. Ceci l’a un peu rassuré.

Nous avons été l’après-midi au bois de Vincennes faire le tour du lac Daumesnil avec son père, Mme Sut et sa soeur. Nous ne nous sommes pas gênées de causer de vous deux , nous avons même regretté que vous ne soyez pas avec nous.

En espérant que cette lettre te trouvera en bonne santé. Elle me quitte en parfaite santé et en t’envoyant tout plein de baisers.

Ta petite fiancée qui t’adore,

Germaine