Paris, Le 2 Avril 1915

Mon chéri,

J’ai reçu ta photo hier, aussi quelle bonne journée j’ai passé !

Tu es vraiment très bien. Je suis très heureuse de pouvoir constater que tu as une mine superbe. Je trouve, à mon avis, que tu as meilleure mine sur cette photo qu’à Cayeux. Le grand air doit vous fortifier.

On ne croirait pas à te voir que voici huit mois que tu couches à la belle étoile. Tu es frais comme une rose, et surtout ce qui me plait, tu vas dire que je suis une sotte, c’est que tu es très bien rasé. A entendre causer les gens, tous les soldats portent une barbe de sapeur. Ce qui ne me plait pas du tout.

Je ne te réponds qu’aujourd’hui, voici pourquoi. Lorsque j’ai reçu ta photo, il était 7h1/2 du matin. Je suis restée toute la matinée à t’admirer et à chercher à quel endroit tu serais le mieux dans ma chambre. J’étais si heureuse de pouvoir contempler tes traits chéris ! Penses mon Loulou, huit mois que je ne t’ai pas vu, comme c’est long. Surtout quand on aime comme je t’aime.

Midi est arrivé que j’étais toujours à te regarder et à te causer, mais malheureusement mes questions restaient sans réponse. L’après-midi comme c’était Jeudi, j’avais rendez-vous avec la soeur à Robert Sut, qui m’a emmené à la foire aux jambons. Tu vois d’ici quelle chic promenade !

J’ai trouvé moyen d’arriver en retard au rendez-vous, car j’avais passé un quart d’heure à te regarder avant de partir. J’ai reçu une remontrance pour mon inexactitude. Je n’ai répondu que par un éclat de rire qui voulait dire beaucoup de choses.

Comme je suis rentrée assez tard, la lettre à mon petit Lucien a été remise à aujourd’hui. Tu es donc bien difficile ? pour trouver mal réussie cette photo. Il est vrai que tu ne te vois pas comme je te vois. Tu es pourtant si gentil ! Elle me plait beaucoup et je te remercie d’avoir exaucer un de mes plus chers désirs.

Si tu m’en envoies une seconde, je découperai la tête de celle-ci et je la ferai mettre dans un médaillon, à moins que cela ne te plaise pas.

J’espère que tu es en bonne santé. Tant qu’à moi, je vais mieux que ces temps derniers, d’ailleurs d’avoir reçu ta photo, cela m’a un peu remise.

Ta petite fiancée qui t’embrasse bien tendrement,

Germaine