Zeppelins sur Paris

Paris, Le 22 Mars 1915

Mon Loulou chéri,

Je ne t’ai pas écrit depuis deux jours. Comme tu dois t’ennuyer mon chéri !

pantin-trajetJ’ai reçu une lettre de toi avant-hier datée du 16, où tu me dis être au repos. Je ne te réponds qu’aujourd’hui, par suite de l’enterrement de cette dame, dont je t’ai parlé dans ma dernière lettre et où j’ai assisté. J’en suis encore un peu fatiguée, j’ai marché de chez nous à Pantin. Trajet assez fatigant lorsque l’on suit un convoi, heureusement pour nous, il faisait un temps superbe.

Je crois que c’est le premier enterrement de ma vie qui était aussi pénible à assister. Trois personnes seulement suivaient, moi comprise, c’est vraiment peu.

Enfin, assez sur ce sujet qui ne doit pas t’intéresser. Passons à des choses plus gaies.

En suivant ce convoi, j’ai eu la surprise de passer tout près de chez toi : Avenue Parmentier, aussi, je t’assure qu’en passant devant la Poste, mon coeur battait bien fort. C’est cette Poste qui a renfermé ta première lettre, aussi ai-je gardé un bon souvenir d’elle !

Paris est en ce moment en émoi, par la visite que nous a fait deux zeppelins, dans la nuit de Samedi à Dimanche. Vers 2 heures du matin, les pompiers ont parcouru les rues de Paris et à coups de trompe et de clairon, ont prévenu les habitants de rentrer chez eux et d’éteindre les lumières.

Pour moi, ils ne m’ont pas gêné, puisque je n’ai rien entendu du tout. Pourtant, il paraît que dans notre maison tous les locataires des étages supérieurs sont descendus dans la loge du concierge. D’autres moins braves sont descendus dans leur cave. Quels froussards !

alerte

Heureusement qu’il n’y en a eu beaucoup de ma catégorie ! Moi je rêvais à autre chose qu’aux zeppelins et je suis bien contente de ne pas avoir été dérangée. Tu sais à quoi ?

Les dégâts sont parait-il peu importants malgré qu’ils aient lancés des bombes incendiaires. Le quartier de Batignolles a été le plus atteint, d’ailleurs ils n’ont pas pu pénétrer plus loin dans Paris. Les projecteurs les gênaient beaucoup, de plus nos avions leur faisaient la chasse ; donc ils ont fait demi-tour sans oublier de lancer des bombes sur Clichy, Levallois, Asnières, La Garenne-Colombes, St Germain et dans les environs de Paris. Ils peuvent être fiers d’eux : tuer des vieillards, des femmes et des enfants dans leur sommeil, c’est bien là leur Kultur.

En espérant que cette lettre te trouve en bonne santé, je t’envoie mes plus doux baisers.

Celle qui t’adore,

Germaine

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